Betteraves
Cyril Cogniard, président de la CGB Champagne Bourgogne fait le point

CGB Champagne Bourgogne
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Le président de la CGB Champagne Bourgogne, Cyril Cogniard aborde les perspectives pour la filière betteravière dans un contexte de baisse des rendements, de problématiques sanitaires et de hausse des charges.

CGB
Cyril Cogniard lors de sa rencontre avec Marc Fesneau, Ministre de l'agriculture.

Face à la baisse des rendements, l’enherbement et les problématiques sanitaires, quelles sont les perspectives pour la filière ?
Cyril Cogniard : « L’amélioration de la productivité et la recherche de nouvelles sources de résistances et de tolérance aux stress climatiques, aux maladies, aux virus et aux parasites sont des préoccupations permanentes. Dans notre filière, nous avons toujours accepté de payer la graine à un prix assez élevé en étant très exigeant sur le progrès génétique. Mais, aujourd’hui, il nous faut aller plus vite. C’est pour cela que nous avons besoin d’utiliser les NBT (nouvelles techniques de sélection végétales), car avec ces techniques on réduit considérablement la durée d’obtention de nouvelles variétés plus adaptées au contexte climatique et sanitaire actuel.
Si l’on veut réduire la protection phytosanitaire, c’est la voie qu’il faut prendre. C’est ce que j’ai rappelé au ministre de l’agriculture, lors du déjeuner auquel j’ai participé avec lui avec l’ensemble des responsables agricoles régionaux. Les pouvoirs publics ont bien compris les enjeux et les débats sur les NBT semblent aller dans le bon sens. Il faut clarifier les choses définitivement au plan réglementaire. La Cour de Justice de l’union Européenne doit se prononcer prochainement sur l’exclusion de la mutagenèse aléatoire in vitro de la directive OGM. Les conclusions de l’avocat général ont été rendues ces derniers jours et vont dans le sens de cette exclusion. Si la cour suit cet avis, ce sera un progrès décisif pour l’avenir de l’agroécologie et pour la souveraineté alimentaire européenne.
Sur la question de l’enherbement des parcelles en 2022, cela a mis en évidence la nécessité d’une innovation de rupture, car certaines de nos molécules de désherbage sont régulièrement menacées, et on en voit les limites en conditions très sèches.
Cette innovation existe, il s’agit des variétés « Smart Conviso Bas Instrants » et notre filière s’est mise en ordre de marche pour y accéder. En effet, à ce jour, aucune de ces variétés n’est inscrite au catalogue français, mais seulement au catalogue européen.
Nous avons donc modifié notre accord interprofessionnel qui nous obligeait jusqu’alors, à cultiver des variétés inscrites au catalogue français. En 2023, les betteraviers français pourront donc accéder à cette innovation, dans la limite des disponibilités en semences car le déploiement se fera sur plusieurs années. C’est une révolution, car après 50 années de BTGV, en trois à cinq passages, les agriculteurs pourront désherber leurs betteraves en deux passages, tout en divisant par deux les IFT et en améliorant nettement l’efficacité.
Nous avons défini en filière des règles strictes d’utilisation que l’agriculteur devra respecter pour préserver la durabilité de la technique. C’est aussi une garantie que nous souhaitons donner à l’administration française, à laquelle nous avons récemment exposé ce projet.
Enfin, sur la jaunisse, le PNRI (plan national de recherche et d’innovation) a permis de travailler différents projets. Nous voyons bien que la solution ne sera pas unique, il faudra combiner plusieurs leviers. Mais nous sommes à la phase de sélection des projets les plus prometteurs. Les autres doivent être abandonnés pour utiliser au mieux l’argent investi. La tolérance génétique, les modèles fiables de prévision d’arrivée de pucerons, l’adaptation de l’itinéraire technique seront incontournables. S’il y a un risque sanitaire résiduel, non encore couvert par la technique, il devra être indemnisé à l’aide de fonds publics. Un volet du PNRI est consacré spécifiquement à ce sujet ».

Quelle est votre vision sur la hausse des charges et des prix ?
CC : « La hausse des charges est vertigineuse, mais ce qui compte, c’est la marge et le revenu de l’agriculteur betteravier. Je me félicite des annonces de prix et je rappelle que dès le mois de février, et plus spécifiquement lors de notre conférence annuelle Champagne Bourgogne à Saint-Memmie (51) en juin, nous avions présenté ces évolutions de coûts et appelé à des prix rémunérateurs, sans quoi nos agriculteurs se seraient détournés de la betterave.
Grâce à une réelle prise de conscience et la mobilisation des groupes sucriers et de leurs équipes commerciales, la répercussion des coûts aux acheteurs de sucre et d’alcool, puis au consommateur final, a bien lieu et permettra de servir des prix rémunérateurs aux planteurs. Heureusement, car certaines zones seront loin du rendement moyen des cinq dernières années. Il fallait donc un prix élevé pour atteindre une marge rémunératrice et compétitive face aux cultures alternatives.
Depuis la fin des quotas, la période a été difficile et les obstacles nombreux. Mais les crises ont cette vertu de forcer les acteurs à la recherche de compétitivité, de réactivité, d’agilité, de progrès en allant chercher des économies et une valorisation de nos productions. Assurément, notre filière est aujourd’hui dans cet état d’esprit, bien plus qu’il y a cinq ans. C’est une garantie pour l’avenir.
Par ailleurs, différents dossiers portés depuis plusieurs années ont abouti ou sont sur le point d’aboutir : Une expérimentation pour faire rouler des camions de 48 t au lieu de 44 actuellement est en cours. Sept camions chez Téréos et sept de chez Cristal Union circulent depuis quelques jours sur notre région. Si cette expérimentation est concluante et qu’elle est généralisée, ce sera des gains de compétitivité et de carbone pour notre filière
La réforme de l’assurance récolte est finalisée et de nouveaux contrats seront proposés aux agriculteurs en 2023. Avec 20 % de franchise sans augmentation du reste à charge et un relais par l’état à partir de 50 % de pertes, l’agriculteur sera mieux couvert en cas d’aléas climatiques. L’agriculteur souhaite bien sûr vivre de sa production, mais il faut bien admettre que les effets du réchauffement climatique sont plus fréquents et d’intensité plus forte, même dans notre région champenoise longtemps épargnée par le yoyo des rendements.
En plus de cette assurance, notre région Grand Est sera région pilote pour l’expérimentation d’un instrument de stabilisation du revenu betteravier. Grâce à 2 millions d’euros par an de contribution publique de la région dès 2023, nous allons créer un fonds qui pourra intervenir pour compléter le revenu betteravier lorsque celui-ci baisse de plus de 20 % par rapport à une référence sur cinq ans. La gouvernance de ce fonds sera aux mains de la filière qui pourra définir des éléments déclencheurs, et indemniser les betteraviers.
Tous ces dossiers sont travaillés par la CGB depuis plusieurs années, et ils tombent à point nommé pour donner aux agriculteurs la visibilité qu’ils attendent. Notre objectif commun doit être celui de garder nos surfaces dans la région, pour garder nos outils industriels mais aussi pour garder la diversité de nos assolements que tant de régions nous envient. Cette diversité a fait et fera encore notre richesse.
J’en profite pour rappeler que c’est une exigence de la nouvelle PAC qui s’applique dès 2023. La betterave fait partie du groupe 3 « plantes sarclées » avec les pommes de terre. Faire au moins 10 % de son assolement en betteraves, c’est aussi obtenir un point supplémentaire dans l’écorégime et donc atteindre potentiellement le niveau d’aides supérieur d’environ 80 €/ha ».