Révision des zones défavorisées simples
Le grand soulagement

AG
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Les agriculteurs de 18 communes de Côte-d’Or ont enfin perçu, début juillet, leur indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Cette aide leur était retirée depuis trois ans suite à une décision très surprenante de l’État. Un paiement rétroactif a été appliqué.

Le grand soulagement
Le travail de la FDSEA a payé. À Mavilly-Mandelot, Olivier et Cyril Jacotot ont touché la somme de 38 000 euros il y a quelques jours.

La révision des zones défavorisées simples a « beaucoup fait parler » ces dernières années en Côte-d’Or. En matière d’injustice, il était difficile de faire pire : à cause de la proximité de vignobles qui « gonflaient » la moyenne des revenus agricoles de leurs secteurs, plusieurs exploitations – pourtant en terres très superficielles – avaient été exclues du dispositif. En conséquence, nombre d’agriculteurs se voyaient privés de l’ICHN. Pour le Gaec Jacotot de Mavilly-Mandelot, cette indemnité s’élevait à 21 000 euros pour l’ensemble de ses trois associés. « Les premières vignes des Hautes-Côtes sont à 4 km de chez nous, les calculs de l’État nous avaient éjectés des ZDS », signale Cyril Jacotot, avant de poursuivre : « avec quelques hectares de vignes, il aurait été facile de se passer de l’ICHN… Mais ce n’est pas le cas. Pour se donner une idée de la pauvreté de nos terres, ici, nous sommes contents quand nous atteignons 50 q/ha en blé. Lors de cette campagne 2023, nous arrivons difficilement à 43 q/ha. Nous ne touchions plus l’ICHN depuis environ trois ans, sachant qu’au début, cette aide était supprimée progressivement ». Olivier, le frère de Cyril, regrette forcément cette « tournure des évènements » : « Cette révision des ZDS a été faite dans des bureaux, sur informatique, sans concertation, par des gens qui ne se sont probablement jamais déplacés sur le terrain. De voir ce problème enfin réglé est forcément une grande satisfaction ».

Un grand merci

Les deux éleveurs remercient les services de la FDSEA, qui ont pris en charge le dossier dès le début de l’affaire : « rien n’aurait été possible sans cette force syndicale, ils n’ont rien lâché, nous leur devons cette issue favorable, c’est un grand soulagement. De notre côté, nous avions également tout tenté mais cela n’aurait pas suffi. Des parlementaires et même l’ancien ministre de l’agriculture étaient venus dans notre commune pour tenter de faire changer les lignes. Finalement, nous avons eu gain de cause grâce à une action judiciaire menée par la FDSEA. L’avocat qui s’est chargé de défendre l’ensemble des exploitations concernées avait monté un très bon dossier. Dix-huit communes, dont la nôtre, ont donc réintégré les ZDS et des paiements rétroactifs viennent d’être réalisés pour l’ICHN. Tout le monde n’est pas sauvé pour autant car au total, 35 communes des Hautes-Côtes et de l’arrière-côte avaient été évincées des zones défavorisées simples pour les mêmes raisons. Nous souhaitons également une issue favorable aux autres éleveurs qui n’ont toujours pas eu la chance d’être réintégrés et d’avoir droit, à nouveau, à l’ICHN ».

« La victoire de l'obstination »
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Réaction

« La victoire de l'obstination »

David Doyer, de Chaudenay-la-Ville, est lui aussi concerné par cette régularisation de l’ICHN, comme une cinquantaine d’agriculteurs des Hautes-Côtes et de l’arrière-côte : « Ce combat a été très long. C’est la victoire de l’obstination car nous n’avons jamais rien lâché. La détermination paye souvent dans la vie ! Ce dossier, nous en parlons depuis 2018… Cinq ans ! Voir ce paiement arriver sur nos comptes me met du baume au cœur. Dernièrement, j’ai vu des sourires chez les exploitants concernés… Comment ne pas remercier la FDSEA pour son accompagnement sans faille ? Cela démontre l’importance d’adhérer à un syndicat pour défendre ses intérêts. Avec la FDSEA, nous avons affaire à des personnes ayant les deux pieds sur terre ». David Doyer a une pensée pour les éleveurs qui n’ont pas encore trouvé de solution : « le combat doit se poursuivre, je pense notamment aux Jeunes agriculteurs et aux aides à l’installation. Les dossiers JA se font encore sans aides majorées ICHN dans la zone des 18 communes concernées. J’ose espérer que l’État accélère très rapidement sur ce point. Il n’y a pas de raison, ils ne peuvent plus faire machine arrière désormais ». Sur un plan fiscal, comment gérer cette régularisation ? L’exploitant de Chaudenay-la-Ville partage son point de vue sur la question : « certains penseront peut-être qu’il s’agit là d’un problème de riche, mais loin de là cette idée. Cette somme est une véritable bouée d’oxygène pour les exploitations concernées. Nous allons effectivement devoir gérer ce problème de fiscalité, sachant que nos comptables ne provisionnent plus l’aide ICHN dans nos bilans depuis plusieurs années. Dans notre cas, nous ferons certainement le choix d’une Déduction pour épargne de précaution (DEP). Ce mécanisme est très souple, il permet de diminuer la charge fiscale lors des bonnes années, pour mieux faire face aux mauvaises campagnes ».

Colère et incompréhension

Colère et incompréhension

Ce « problème d’ICHN » n’est pas encore réglé pour tout le monde. Jérôme Gaspar, à Nolay, fait partie des agriculteurs dont les communes n’ont toujours pas été réintégrées dans les ZDS. « Ce qui arrive est inadmissible, je suis partagé entre colère et incompréhension », lance le jeune exploitant de 33 ans. L’ICHN représentait plus de 8 000 euros par an pour cet éleveur de vaches allaitantes : « cette somme était la bienvenue compte tenu des contraintes que nous avons ici, je pense notamment à la faible profondeur de certaines terres, la difficulté de travailler d’autres et à leurs potentiels… Malheureusement, l’État mélange viticulture et agriculture, ce n’est pas pensable de raisonner ainsi. Je suis le seul agriculteur à Nolay et je suis entouré d’autres agriculteurs qui, eux, perçoivent l’ICHN ! Je misais beaucoup sur la dernière procédure au tribunal : il y a encore deux mois, j’y croyais. Mais ça n’a pas fonctionné pour moi… Ce que j’entends autour de moi n’est pas très rassurant pour la suite : je ne sais pas s’il y a encore de l’espoir dans ce dossier ». Jérôme Gaspar fait part d’une autre incompréhension : « je connais des agriculteurs en Saône-et-Loire qui, eux, font leur entrée dans les ZDS et touchent désormais l’ICHN. Eux-mêmes ne comprennent pas cette nouveauté alors que leurs parcelles ont des potentiels bien meilleurs qu’ici. Ce dossier est extrêmement mal mené, c’est incroyable ».