Bar des Pirates
À l'abordage de la vie sociale

Chloé Monget
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Bien que la Nièvre ne soit pas à côté de la mer, elle y recèle en son sein des pirates accueillants. Issu d'une idée spontanée, un projet les regroupe au lieu-dit Chétif four (Saint-Benin-des-Bois), alors à bord matelot ! 

 

À l'abordage de la vie sociale
Une quarantaine de personnes passe au Bar des pirates tous les vendredis.

Trônant dans la vallée en sortie de forêt, Chétif four s’étend sous les yeux du visiteur en quête d’un refuge. Il n’a ensuite qu’à suivre le panneau indiquant « Le bar des pirates » pour le trouver – ouvert uniquement les vendredis de 11 h à 2 h du matin. Installé sur les terres du Gaec des 7 sources, d’Isabelle et Frédéric Gauche, le lieu a ouvert ses portes l’an denier. Depuis, il propose boissons chaudes, cocktails maison, breuvage frais sans alcool ou encore brioches et pain de la Ferme du Rompé.

À la source

Frédéric Gauche a toujours voulu son propre bar : « j’ai l’image du bistrot de campagne où l’on se retrouvait pour faire les devoirs et où les discussions allaient bon train. Un lieu de retrouvailles pour tous sans distinction d’âge et de rang social ». Avec cette idée en tête, il commence à se poser des questions avec son épouse Isabelle. « Nous avons bien réfléchi à ce que cela pouvait impliquer dans notre travail de tous les jours mais aussi a l’investissement financier que cela engendrait ». Pour prendre leur décision, un autre point rentrait en compte : « nous avions également en tête que notre fils, Simon (20 ans) a pour projet d’installer une brasserie, c’est donc un peu pour lui que j’ai sauté le pas ».

Coup de main

Côté investissement, Frédéric a meublé le lieu avec des dons : « tout le monde s’est mobilisé pour m’aider à rendre l’endroit accueillant et confortable – même si nous n’avons pas de chauffage (raison pour laquelle le bar est fermé durant les mois d’hiver). Je suis allé à la Recyclerie de Prémery afin de trouver du mobilier. En somme, j’ai juste acheté à moindre coût l’électroménager. Avec tout cela, je n’ai pas la prétention d’être un vrai bar bien que tout soit légal dans ma démarche ».

Facilité d’installation

D’un point de vue administratif Frédéric insiste : « j’ai une licence 4 qui me permet de vendre de l’alcool fort – comme notre cocktail des pirates à base de rhum ou de tequila. Et, cette dernière a été donnée gratuitement par l’État, car nous sommes sur une commune de moins de 3 500 habitants et sans licence activée. Il est important de le souligner car, malgré quelques contraintes comme l’impossibilité de transférer cette licence ailleurs, cela permet de rouvrir des bars-bistrots dans des petites communes où il n’y a plus rien. C’est une manière de redonner de la vie à nos campagnes et j’encourage chacun à le faire ».

Point de vigilance

Cela étant, Frédéric alerte : « ce type de bar ne peut pas être une activité professionnelle principale, car les retombées économiques ne sont pas assez importantes pour en vivre. Il faut faire cela pour le plaisir, pour l’envie d’accueillir les gens et pour la volonté de faire renaître un lien social dans les petites communes afin de retrouver le maillage de bistrots d’autrefois. Ici, nous avons la chance d’avoir une commune active avec le comité des fêtes qui organisent régulièrement des manifestations appréciées de tous ou encore l’association à La Source qui œuvre à la restauration des lavoirs. Tout cela mis bout à bout fait bouillonner notre village, en créant du lien social qui, pour moi, fait toute la richesse de notre ruralité ». Pour l’avenir, le Bar des Pirates a pour projet de trouver des jus de fruits locaux ; à bon entendeur… Salud*.

*Santé en Espagnol.

 L'histoire d'un lieu
Vestige du passé, une photographie des anciennes cellules à grain est exposée.

L'histoire d'un lieu

Le Bar des Pirates est installé dans l'ancienne habitation de la ferme, datant d'environ 1830. Après cette date, elle aura diverses utilités. Ainsi elle fut une bergerie avant d'accueillir des cellules de stockage pour le grain. Frédéric Gauche rappelle : « Outre l'aventure d'ouvrir un bar, c'était aussi une manière de refaire vivre ce lieu afin de ne pas le perdre, car c'est toujours triste de voir les vieux bâtiments de ce type tomber en ruine. D'une certaine manière, nous oeuvrons à notre échelle pour préserver un patrimoine ». Parmi les « habitués » du Bar des Pirates, Andrée et Paul Jacquet, respectivement 80 et 85 ans : « Nous venions jouer ici quand nous avions 6 ou 7 ans. C'est toujours agréable de renouer avec un endroit chargé de souvenir et l'initiative du Gaec des 7 sources permet d'en créer de nouveaux. Nous venons quand nous pouvons pour montrer que nous n'oublions pas que sans les clients, cela ne pourrait pas vivre, ce qui serait fort dommage ! »

Organisation
Les brioches et pains viennent directement de la Ferme du Rompé.

Organisation

Afin d'allier le travail à la ferme et l'activité du bar, Frédéric et Isabelle se sont mis d'accord comme l'explique le premier : « C'est Isabelle qui gère la majorité du fonctionnement de la ferme le vendredi. Pour ma part, mon rôle s'apparente plutôt à celui d'un « salarié » ce jour là. Cela me permet donc d'avoir un peu de temps pour faire le service tous les vendredis ». Au total, le Gaec des 7 sources dispose de 110 vêlages environ et d'approximativement 200 ha – dont 50 ha de cultures diversifiées (noyers, lentille, sorgo, maïs, etc.).