Effarouchement
Les rois des champs

Chloé Monget
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Damien Coulbouée, 35 ans, est un chasseur au vol depuis 2018 et a créé sa société d'effarouchement, dans la Nièvre, en mars dernier avec ses buses Harris.

Les rois des champs
Tous les oiseaux de Damien ont des noms : Athéna, Adam, Achille (hiboux), Epine et Utec.

« Je ne sais pas trop d’où me vient cette passion pour les oiseaux, mais quand j’étais plus jeune j’avais des coqs qui me suivaient partout ! Ça prend peut-être son origine là mais sans assurance » explique avec un sourire Damien Coulbouée, effaroucheur professionnel depuis mars. Si son amour des oiseaux est indescriptible, son métier ainsi que son parcours, eux, le sont.

Début forcé

Ancien couvreur, son dos ne tient plus et le force à stopper net son activité : « j’ai été déclaré inapte par la médecine du travail. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé sans rien après avoir passé 15 ans de ma vie sur les toits. Il fallait donc faire autre chose »… De ce constat, il se tourne alors vers sa volière existante, puisque depuis 2018 il est chasseur au vol et détenteur de buses de Harris, ainsi que d’un hibou. De là, lui vient une idée : en faire son métier… Il se penche alors sur les certificats de capacité d’élevage et d’effarouchement. « Étant chasseur au vol, j’avais déjà les oiseaux et la quasi-totalité du matériel pour commencer mon activité, ce qui n’engendrait pas de frais trop important au départ ! Un excellent point pour mener à bien mon projet ». Pour lui, ce nouveau travail est « une réponse alliant son plaisir, la liberté et son amour incommensurable pour les oiseaux ». Aujourd’hui, Damien possède cinq oiseaux : quatre buses de Harris (dont deux en reproductions) et un Grand-duc de Sibérie.

En détail

Cette activité d’effarouchement par rapace est simple dans le principe : « je reste des semis à la levée et fais le tour des parcelles avec mes buses. Ils sont les rois des champs ! Et sont une solution d’oppression naturelle pour effaroucher corvidés ou pigeons. Au final, j’ai 85 à 95 % de réussite ». Il avance aussi un autre avantage : « Cette pratique peut se faire sans problème aux abords des habitations là où le tir n’est pas possible par exemple, et aussi car elle ne génère pas de nuisances sonores. Même si le risque qu’une de mes buses attaque un animal domestique est minime, il est tout de même présent et donc, dans ces cas-là, je préviens les voisins de mon intervention afin que tout se passe bien pour tout le monde ». Les prestations de Damien se font sur devis – compter quelques centaines d’euros. Il précise : « je suis prêt à faire une journée d’essai gratuitement s’il y a un engagement sérieux qui suit ».

Envie de renommée

Côté déplacement, Damien Coulbouée se rend partout en France : « je ne me limite pas, car nous sommes environ une quarantaine d’effaroucheurs au vol professionnels sur tout l’Hexagone ». Pour l’avenir, il espère accueillir plus d’oiseaux (Faucon pèlerin et Autour des palombes), et « serai ravi d’avoir d’autres collègues, car c’est un métier passionnant qui est, malheureusement, trop peu connu que ce soit du public ou du milieu agricole ». Renseignements : Nièvre effarouchement à nievreeffarouchement@gmail.com ou au 06 41 56 27 34.

 

Un attachement certain
Damien souligne que les plumes des buses ne sont pas imperméables.

Un attachement certain

« J’ai perdu 2 oiseaux en trois ans, et je ne souhaite cela à personne. Certes, ce sont des outils de travail, mais il y a un véritable attachement. On apprend à les connaître, à gérer leur caractère. Je passe au minimum 1 heure avec chacun tous les jours. La grande difficulté avec ses animaux est qu’ils ne montrent que rarement des signes de maladies. Il faut donc avoir l’œil car c’est très insidieux. En général, s’ils sont malades, ils meurent dans les 24 heures. Il faut donc en prendre soin tous les jours. Par exemple, je leur nettoie les serres, puis j’applique de l’huile d’amande douce pour hydrater leurs pattes. Ainsi, ce nettoyage permet d’éviter bon nombre de problèmes sanitaires puisqu’elles se servent de leurs serres pour se nourrir – c’est leur fourchette en somme. Même si elles paraissent gentilles comme tout, les buses sont des animaux se vexant très vite. Elles ne se déplacent pas pour rien. Elles vont toujours calculer si leur déplacement est rentable caloriquement parlant, par rapport à la proie perçue. Donc si elle rate leur proie, elles peuvent ensuite refuser de bouger… dans ces cas-là, on passe environ 1 heure à essayer de les rattraper en les amadouant avec des petits morceaux de viande. Côté nourriture elles trouvent tout ce dont il leur faut dans une souris ou un poussin. Elles boivent très peu (environ un bouchon d’eau par jour) car elles s’hydratent via leur alimentation solide. Elles peuvent voir jusqu’à environ 3 kms, donc rien ne leur échappe. Enfin, même si elles sont habituées à leur maître, il faut toujours prendre des précautions, car leurs serres leur permettent d’exercer 70 kg de pression au cm2… Pas mal pour des animaux de 600 gr environ ! ».

Point d'histoire
Les buses sont diurnes, elles chassent donc uniquement de jour.

Point d'histoire

L'effarouchement de vol est intimement lié à une autre pratique : la chasse au vol ou fauconnerie. Cette dernière, prend ses racines 35 siècles en arrière avec les Kirghizes, peuple nomade du massif du Tian Shan et du Tadjikistan. La fauconnerie se propage ensuite vers l'occident pour prendre tout son essor en Europe au Moyen-Âge. Cette technique devient de plus en plus pointue à la fin des croisades avec l'usage du leurre et du chaperon. Puis, un traité est élaboré par l'empereur Frédéric II de Hohenstauffen. C'est ensuite sous Louis XIII que la fauconnerie brillera de nouveau. D'ailleurs, la sienne comptera, en 1616, près de 300 oiseaux. Mais, l'arrivée de l'arme à feu fait oublier peu à peu cette technique. Elle sera ignorée par les lois jusqu'en 1954 où ce mode de chasse obtiendra une reconnaissance légale suite aux travaux d'Abel Boyer, un des fondateurs de l'Association nationale des fauconniers et autoursiers français. (Source : www.anfa.net).