Désherbage et travail du sol
Des robots dans les vignes

Cédric Michelin
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Après deux ans d’absence, « Le désherbage roule les mécaniques » a fait le plein pour sa 4e édition à la cave de Lugny, en Saône-et-Loire. Pour la première fois en France, quatre robots viticoles étaient présents en démonstration simultanée. Mais les constructeurs et distributeurs continuent d’innover pour le travail du sol.

Des robots dans les vignes
Formidable concentré de technologie, les robots enjambeurs réclament quand même encore un certain niveau de contrôle humain.

Avec la mise à disposition de vignes appartenant à des coopérateurs de la cave de Lugny et au domaine Paquet (Davayé), le 12 avril, le Vinipôle Sud Bourgogne et le service Vigne & Vin de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire ont proposé une belle demi-journée de démonstrations organisée autour dix ateliers. Il manquait de rangs à désherber tellement les vignerons étaient preneurs de solutions sur le travail du sol ! Surtout avec la fin du glyphosate. La parcelle en légère pente était plantée d’un côté, de vieilles vignes et de l’autre, de jeunes plants. Les « pilotes » des enjambeurs devant faire très attention dans les deux cas. À condition, d’avoir encore un conducteur à bord… Car l’événement du jour c’était la présence de quatre robots « autonomes ». En réalité, avec un téléopérateur toujours à proximité. Comme les enjambeurs thermiques ou électriques, ils étaient équipés d’outils classiques : interceps à lames et à disques, décavaillonneuses, bineuses à doigts.

Arpentage obligatoire pour tous

Premier à s’élancer, le robot Ted Naïo Technologie distribué en Bourgogne par Granday (groupe Ouvrard). Développé à Toulouse avec l’Institut français de la vigne et du vin, il bénéficie de l’expérience de ses confrères en maraîchage. D’une masse de deux tonnes pouvant se mouvoir jusqu’à 6 km/h, cet enjambeur électrique n’est pas homologué sur route. Dans la vigne de Lugny, il a fait la démonstration de son autonomie. Ses capteurs embarqués, comme les autres (bumper, compas, lidar, GPS RTK…), complètent son « intelligence » informatique. Mais tous les robots ont encore besoin de l’humain pour un arpentage en début et fin de rang « et s’il y a des courbes ». En revanche, une vigne plantée droite avec un système RTK n’aura qu’à charger la cartographie dans l’ordinateur de bord. Ted était équipé d’une batterie lithium phosphate promettant 4 500 cycles de recharges à 80 % de la puissance délivrant entre 15 et 40 kwh pour les outils portés, soit une autonomie de 8 heures. Naïo assure en avoir déjà vendu une trentaine à des domaines viticoles en France.

Jusqu’à 24 heures de travail

Trektor présenté par Sitia, de Nantes, est aussi un porte-outil universel autonome. Sa particularité est de pouvoir changer sa hauteur (140 cm max) et sa largeur de voies (écartement des deux roues arrière), pour passer à un maximum de 210 cm « au-dessus de deux rangs étroits ». En format resserré, « son centre de gravité rabaissé » doit lui permettre d’aller dans des pentes jusqu’à 20-30 %, espère Pol Mordel, ingénieur réalisant les tests. Ce robot faisait plus de bruit car il était aussi alimenté par une génératrice thermique « qui recharge la batterie électrique à régime optimal » ou en descente. Résultat : malgré ses 2,9 tonnes, son autonomie peut bondir de 4 h à 24 h avec un réservoir de 25 litres ! Il peut travailler jusqu’à 9 km/h. Une prise électrique de 96 V doit permettre le branchement d’outils. Une quinzaine de Trektor seraient déjà en service en France. Il est ici distribué par le réseau Promodis.

Pour les bricoleurs

Exxact Robotique (filiale d’Exel industrie) a fait le choix d’un robot 100 % moteur thermique essence de 37 chevaux avec centrale hydraulique « traditionnelle », revendique Jérémy Lebeau. Le responsable produit aime voir les vignerons « bidouiller et l’entretenir » comme lui, sauf les parties informatiques, « elles font l’objet de mises à jour logicielles à distance ». N’allez pas croire qu’avec ses 1,5 tonne, il en fait moins que les précédents ! « Petit moteur, petite pompe mais il peut accepter tous les outils, même le Servo moteur Boisselet consommant beaucoup d’huile ». Les quatre premiers exemplaires sortiront de l’usine d’Épernay en fin de mois et seront distribués par Richy.

Smartphone et service client

Chez Vitibot, Jocelyn Vermillet, responsable du bureau d’étude mécanique, était venu avec le Bakus P75L, « tout électrique et autonome », monté avec des interceps électriques Vitibot et des disques Boisselet. Depuis son smartphone, il pouvait changer la force, indépendamment, des lames ou palpeurs. L’attelage permet de changer rapidement les outils. Les quatre roues motrices directrices et son gabarit permettent de grimper des pentes jusqu’à 45 % ou des dévers à 20 %. L’autonomie des 400 kg de batteries est estimée à 10 h pour du travail du sol. La recharge à 100 % se fait en 2 h. Avec 2,5 tonnes sur la balance, il peut être déplacé sur remorque avec un permis BE. Connecté en 4G (il ne peut fonctionner sans ; multi-opérateurs), Vitibot connaît en temps réel l’état du robot (température moteur, géolocalisation…). Son service client prodigue des conseils de 7h à 19h30 et plus en pleine saison. Avec bientôt un distributeur en Bourgogne, Vitibot veut pouvoir intervenir en moins d’une heure. 41 Bakus sont déjà vendus, dont un à la Maison Latour à Aloxe-Corton, en Côte-d’Or. Des prestataires de services en ont aussi fait l’acquisition. « Le manque de main-d’œuvre, les TMS avec les vibrations, les risques santé des produits, les reprises et installation de domaines… » sont autant de motivation ou de sujets de réflexion, y compris en Cuma qui « travaille sur la partie assurantielle ». En plus de sa rogneuse, Vitibot développe un pulvérisateur électrique monorang, confiné avec récupérateur. « Silencieux », il pourra passer la nuit à proximité des habitations. Selon Jocelyn Vermillet « avec le niveau de R & D qu’il représente, il devrait coûter environ 400 000 € », mais son prix réel se situe entre 150 000 et 180 000 €. Ce robot est conçu et assemblé par 45 personnes à Reims, avec « 83 % de matériaux français » et une empreinte carbone « très basse ».

Équipé de "cols-de-cygne" Souslikoff pour la partie décavaillonnage, René Grosjean, fondateur de GRV et conduisant son nouvel enjambeur, faisait la démonstration d’un désherbage sans faute. Et ce grâce à sa dernière invention : un guidage par projection de bandes lumineuses au sol, « adaptable sur tous les tracteurs », promet-il, pour la modique somme de 1 000 €. « C’est reposant (lumière bleue) et on sait où est le tracteur pour être parfaitement dans le rang ». Cet outil facilitant la conduite est complété ici par un « bloc électronique pour faire le tour en bout de rang », en actionnant un petit levier sous le volant qui s’exécute tout seul. À ses côtés, Hugo Bonnet de Top Con (Cantal) essayait de le convaincre d’intégrer, dans ses futurs tracteurs GRV, le nécessaire pour n’avoir plus ensuite qu’à brancher « leur barre de guidage RTK pour un autoguidage (obitrol) » à 1 mm de précision grâce aux constellations de satellites (30 contre 16 habituellement). De quoi transformer tout enjambeur en robot. Autre enjambeur avec conducteur, et avec des panneaux photovoltaïques sur son toit : l’Alpo de Sabi Agri est distribué par Richy et pourrait bientôt être équipé pour devenir "robot" de 170 cm de large. Homologué pour la route, il se recharge à 80 % en 1 h 30. Le Domaine expérimental de Rully vient d’en faire l’acquisition comme souhaité par le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. Il servira au travail du sol et peut-être équipé d’une rogneuse électrique. Les enjambeurs avec chauffeurs ont encore de longues années devant eux.