Compétences
Les formations agricoles en plein doute en BFC

FRSEA BFC
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Les nouvelles modalités de l’appel d’offres du Conseil régional pour les formations proposées aux demandeurs d’emploi posent problème. La FRSEA BFC revient sur les questions soulevées et Isabelle Bailly, agricultrice jurassienne et membre de la commission Formation de la FNSEA exprime l’incompréhension du monde agricole sur les choix opérés.

Les formations agricoles en plein doute en BFC
Isabelle Bailly, agricultrice de BFC et membre de la commission Formation à la FNSEA

La profession agricole a été alertée par de nombreux centres de formation au sujet des nouvelles modalités de l’appel d’offres du Conseil régional Bourgogne Franche-Comté (BFC), pour les formations proposées aux demandeurs d’emploi, prévues à la rentrée 2024. La profession est surprise de la décision du Conseil régional qui entraîne la suppression de nombreuses formations professionnelles dans les secteurs agricole et viticole. Pour le seul réseau des CFPPA BFC, près de 50 % des places ouvertes dans l’appel d’offres initial ont été supprimées, par rapport à l’appel d’offres de 2019, pour le marché 2020-2023. Dans le contexte économique actuel, nous sommes tous conscients des contraintes budgétaires pour l’État comme pour la Région. Nous savons aussi que ces nouveaux arbitrages sont liés à une baisse des crédits d’État dans le cadre du Plan régional d’investissement dans les compétences (Pric) de 45 %, par rapport à 2022.

Des équilibres économiques menacés

Plusieurs formations qualifiantes, ouvrant sur des métiers en forte tension, seraient purement et simplement supprimées (BTSA niveau 5, BPREA niveau 4) avec, de fait, une mise en concurrence accrue des organismes de formation sur plusieurs formations spécialisées très recherchées (spécialisation tracteurs et machines agricoles), ainsi que sur des formations indispensables à l’installation. Ces nouvelles règles menacent l’équilibre financier de certains organismes de formation, ce qui fragilise le maillage territorial des formations et la pérennité de certaines filières. Les métiers du vivant sont en forte tension et la profession agricole alerte les services de l’État et de la Région, depuis plusieurs mois, à ce sujet. En BFC elle s’est organisée avec les représentants des employeurs et des salariés agricoles pour développer de nombreuses actions sur la promotion des emplois agricoles en accompagnant les agriculteurs et en valorisant les métiers de l’agriculture, de l’élevage et de la viticulture. Nos secteurs d’activité ont de grandes difficultés à recruter des personnes qualifiées. Comment nos filières agricoles pourront-elles attirer de nouvelles compétences et poursuivre leur développement si les offres de formations sont réduites, voire supprimées ? Depuis plusieurs années, il est constaté une forte proportion d’installations hors cadre familial. Ce public se forme massivement par le BPREA, en une année. Sans ce type de formation et un maillage territorial sur l’ensemble de la région, ces personnes ne pourront pas se former et, donc, ne s’installeront pas. Cela fragilisera le renouvellement des générations et se traduira par une perte accélérée des populations dans ces territoires.

Incohérences

Le manque de concertation par rapport aux formations retenues pose questions :

- Pourquoi supprimer pratiquement toutes les formations de niveau supérieur au niveau 4 (BTS) , alors que l’on demande aux agriculteurs de s’adapter constamment et d’engager les transitions ?

- Si l’on peut comprendre les fermetures de formations liées à un manque d’effectifs, pourquoi fermer les formations qui permettent de bénéficier des aides à l’installation comme le BPREA, ou les formations facilitant la diversification (ovins, caprins, plantes aromatiques) ?

- Pourquoi les formations très demandées de niveau 4 et 5 (BPREA et BTSA), orientées vers la viticulture en direction des demandeurs d’emploi, ont-elles été supprimées ? Au niveau de la formation professionnelle, il y avait une contractualisation avec l’État et la Région, ce plan permettait d’avoir un budget de 149 millions d’euros. L’État n’a pas renouvelé, pour l’instant, sa contractualisation. La Région a augmenté les moyens pour la formation professionnelle agricole qui passent de 83 millions à 98 millions d’euros soit plus 15 millions. Pour les formations agricoles, il y aurait des formations incomplètes, ce qui pourrait expliquer la baisse justifiée des crédits par la Région. Les arbitrages proposés ont été réalisés sans concertation avec la profession et nécessitent des adaptations pour ajuster les formations aux besoins prioritaires de la profession, tout en regardant les financements complémentaires qui pourraient être mobilisés.

Isabelle Bailly : « L'agriculture a besoin de jeunes motivés et bien formés ! »

Dans le domaine de la formation, il faut rappeler le contexte :

- Il y a de nombreux métiers en tension. La pénurie de main-d’œuvre pénalise les secteurs de la production agricole, l’agroalimentaire, le bois…

- Nous avons de moins en moins de main-d’œuvre familiale. Faire venir des hors cadres familiaux et des personnes en reconversion devient une priorité

- Nos métiers sont passionnants mais exigeants en compétences pratiques et techniques. Nous avons besoin d’acquérir de nouvelles connaissances en agronomie, en bien-être animal, en communication…

Les orientations de la Région BFC sont parfois difficiles à comprendre :

- En accordant des points supplémentaires aux jeunes s’installant sans formation

- En demandant aux agriculteurs de solliciter de plus en plus de conseils extérieurs : audits stratégiques, études, diagnostics…

La profession pense, au contraire, qu’il faut d’abord s’appuyer sur les compétences théoriques et pratiques indispensables des agriculteurs et agricultrices ! Les formations doivent évoluer et s’adapter aux besoins du marché de l’emploi, mais baisser de 50 % toutes les formations professionnelles agricoles, n’ouvre guère de perspectives pour nos métiers ! Les pôles d’excellence qui ont été mis en place après plusieurs années d’investissements humains ne doivent pas être balayés d’un revers de main : viticulture en Saône-et-Loire, élevage laitier dans le Doubs, élevage de la Nièvre, agronomie en Côte-d’Or, mécanique en Haute-Saône, techniques fromagères dans le Jura, horticulture dans le Territoire de Belfort métiers du paysage dans l’Yonne… Ne faudrait-il pas faire plus confiance aux agriculteurs formés pour assurer les nombreuses missions qui leur sont demandées : produire des biens alimentaires, respecter l’environnement ? Le secteur agricole a besoin de jeunes motivés et bien formés pour préparer l’agriculture de demain et peut-être un peu moins de surréglementation, de contrôle, pour ne pas perdre le sens de notre métier et assurer la souveraineté alimentaire de notre pays, avec une agriculture durable qui prend en compte le changement climatique. S’il y a une baisse des crédits de l’État pour notre Région, il est important de se mobiliser pour la prise en compte de nos spécificités et pour défendre de nouvelles enveloppes (ministères, FEADER, FSE…). Les métiers du vivant sont en tension, en BFC. Une plus grande concertation entre l’État en Région, la Région et la profession est indispensable pour trouver des réponses à la hauteur des enjeux et pour la pérennité des centres de formation agricole de BFC.