Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire
Stress environnementaux sur les vignes !

Cédric Michelin
-

Après une première partie de session brossant le portrait des vignes et vins de Saône-et-Loire, la chambre d’agriculture rentrait dans le vif du sujet du changement climatique et ses incidences. L’occasion de dresser un panorama complet sur le matériel végétal et les projets en la matière en Bourgogne. Avant de partir sur une autre perspective, avec les labélisations environnementales.

Stress environnementaux sur les vignes !

Totalement dédiée à la viticulture, la dernière session de la chambre d’agriculture à Buxy le 24 novembre dernier (lire notre précédente édition), permettait à tous les membres – pas que vignerons – de jeter des ponts entre sélection végétale en viticulture et changement climatique. Ainsi, ces questions environnementales et génétiques résonnaient différemment selon chaque production et filière de notre département.
Reste que la vigne est, elle, une culture pérenne – à la différence des cultures ou de l’élevage - et comme le rappelait le directeur du service, Benjamin Alban, « ici en Bourgogne, on pense et plante à horizon de 80 ans, avec un taux de renouvellement moyen de 1 % par an ». Mais le temps semble s’accélérer. Avec les ravageurs, maladies – notamment de dépérissement - et autres changements de pratiques avec la pression sociétale autour des questions phytosanitaires, l’urgence climatique se pose.
Experts en climatologie et viticulture, Céline Buche et Thomas Canonier – respectivement pour la chambre régionale et départementale – rappelaient les écarts de température et autres « anomalies » climatiques de ces dernières campagnes. Excès d’eau en 2021 ou nouvelle sécheresse en 2022 avec la même « peur d’une redite du gel 2021 », difficile de trouver des années « normales » aujourd’hui ou demain. Un constat peut néanmoins être fait : « les rendements plafonnent, leur variabilité interannuelle est marquée et la typicité des vins évolue ». Pas forcément que négativement toutefois…
Pour ne pas rester dans le flou climatique futur, la chambre régionale d’agriculture s’est dotée « d’outils de projection climatique » sur le moyen terme (2050) et long terme (fin XXIe S.) avec des indicateurs agro-climatiques « à l’échelle de la commune » (carré de 8x8 km). Données consolidées par les datas de Météo France.

« Agressions biologiques »

Cette introduction faite, Christine Dubus, en charge du matériel végétal viticole à la chambre et Jean-Philippe Gervais, directeur du pôle Technique au BIVB, enchaînaient sur les réponses à apporter à ce « stress environnemental » et autres « agressions biologiques » : viroses, phytoplasmes, maladies cryptogamiques… mais également « contraintes de production dans les cahiers des charges » ou vignoble « dégénérescent » (dépérissement porte-greffe 161-49C…) et « insuffisamment complanté », n’éludait pas Jean-Philippe Gervais.
Selon les experts, tout cumulés, les pertes en rendement s’élèvent en moyenne en France à 5 hl/ha, soit « 1,5 milliards d’€ ». « Une érosion qui met en danger certains modèles économiques », soulignait Benjamin Alban.
Pour tenter une réponse, en 2019, à Beaune, les pépiniéristes lançaient la marque Vitipep’s pour (r)assurer sur la qualité sanitaire des plants Français et également rappeler, en même temps, les risques sanitaires des plants étrangers. Une façon également de réaffirmer que le sanitaire est une « organisation générale de lutte », qui ne leur incombe pas uniquement, mais revient à chacun. C’est une des conclusions également du Plan national dépérissement, qui diffuse ses résultats et conseils lors d’un tour de France pour expliquer sa deuxième édition. Pas de faux espoirs pour autant. À l’image de la haute-technologie, comme des caméras pour détecter la flavescence dorée par exemple, rien n’est encore opérationnel malgré les promesses.

Retour à la source…

Heureusement, le matériel végétal reste la « clé » à bien des problématiques. Les spécialistes vont donc retourner à l’origine dans la « biodiversité » de vitis vinifera. Un mouvement inverse est donc enclenché puisqu’actuellement, sur 6.000 variétés dans le monde, 33 cépages en France, seuls « trois couvrent le tiers des surfaces ». L’objectif est aussi demain de « maintenir du vitis v. sauvage cohabitant avec du vitis v. sélectionnés ». Idem du côté des 30 porte-greffes inscrits au catalogue officiel, issus de quatre variétés, les programmes de recherche et de sélection visent à la fois à trouver des chardonnay ou pinot noir « d’intérêts ».
Mais sont venus se rajouter nombre de critères de sélection nouveaux. Comme la possibilité de diminuer les intrants (cépages résistants) ou le besoin de « qualités sanitaires » des plants pour maîtriser ou lutter contre les viroses de demain. Le tout, en se rapprochant de la typicité des cépages actuels… pour les vins de demain.

Qanopée pour rattraper le retard

Comment cela se traduit-il ? Différentes étapes sont nécessaires. La réglementation étant très stricte. Tout part de la « sélection d’individus dans les vignes », repérés par les vignerons et techniciens, avant d’être « mis en conservatoires » pour comparaison avec d’autres individus. Si un individu est intéressant et différent, il peut prétendre être inscrit au catalogue officiel. « Cela prend une dizaine d’années », schématisait Christine Dubus.
Ensuite, il faut encore le « produire ». Ce « matériel végétal initial » (validé par Inrae Entav/IFV) part alors en prémultiplication pour constituer un matériel de base, pour mettre en place des vignes mères de greffons certifiés, greffons vendus aux pépiniéristes afin d’élaborer des plants certifiés.
La prémultiplication est une phase critique, car ne supportant aucun risque de contamination par des viroses. En Bourgogne, « la réflexion est partie d’ici », rappelait Jean-Philippe Gervais, se souvenant du projet au BIVB, sous la présidence de Michel Baldassini, qui avec la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire avaient poussé pour utiliser les parcelles irriguées pour légumes et chambres froides de l’ancien site de D’Aucy à Ciel. Dix ans après, le projet a finalement été « transféré » à la CAVB pour concevoir une serre bioclimatique en Champagne, avec ce vignoble et celui du Beaujolais (Sicarex). Nommé Qanopée, l’investissement sera voté à l’AG du BIVB cette fin d’année.

Le climat fait ouvrir les yeux

Il y a urgence tant les dernières années ont démontré que le changement climatique s’accélérait. La chambre d’agriculture met donc les bouchées doubles car « le vignoble a fortement dépéri en vingt ans », avec de l’enroulement notamment, regrettait Christine Dubus. L’urgence est donc double pour aujourd’hui et pour demain. « C’est un enjeu majeur qu’on aborde peu », regrette Benjamin Alban, qui suit sur ces questions les pas de son prédécesseur Didier Sauvage. Mais la région semble plus à l’écoute dorénavant. « Avec le changement climatique, c’est plus facile à expliquer », idem pour la pression sanitaire et maladies émergentes (maladie pinot gris, xylella fastidiosa…).
Tout n’est pas réglé pour autant. L’économie reste le nerf de la guerre. Pour traiter le court-noué, « c’est facile, on arrache et on laisse reposer dix ans », vous dira n’importe quel biologiste, sans n’avoir jamais eu à produire du vin pour en vivre.
Pour Marc Sangoy, si beaucoup de travail se fait actuellement – avec son lot de « contrariété et de discussions » - les résultats seront longs à obtenir. Mais avec « l’émulation collective, on trouvera des solutions », veut-il continuer de croire. Le compte à rebours continue de s’égrener…