Rémunération
« C'est qui l'patron ? » à l'Institut Agro de Dijon

Berty Robert
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« C’est qui l’patron ? » est un ovni dans le paysage de la commercialisation des produits agricoles. Créée il y a sept ans, elle fédère des consommateurs et des producteurs afin de préserver une juste rémunération pour ces derniers. Son fondateur et deux éleveurs laitiers sont venus à Dijon pour témoigner de la manière dont elle fait bouger les lignes.

« C'est qui l'patron ? » à l'Institut Agro de Dijon
Lors de la rencontre à l'Institut Agro Dijon, avec, au centre, Nicolas Chabanne, fondateur de la marque « C'est qui l'patron ? », entouré de Régis Neugnot, éleveur laitier de Côte-d'Or (à gauche) et de Thierry Comte, éleveur laitier de l'Allier.

Dans l’amphithéâtre de l’Institut Agro de Dijon, on ne peut pas la rater : une énorme brique de lait en carton, plus haute qu’un homme, de couleur bleue et arborant la marque « C’est qui l’patron ? » trône en ce 22 novembre. Le lieu accueillait ce jour-là un événement organisé par l’association d’étudiants Agro-Logique au cours duquel était diffusé un film titré « Nous consommateurs » qui retrace l’histoire de la création de cette marque dont la raison d’être est d’assurer un vrai prix rémunérateur aux agriculteurs qui y sont rattachés. Au-delà du film, les participants pouvaient également échanger avec Nicolas Chabanne, entrepreneur fondateur de la marque, accompagné pour l’occasion de Régis Neugnot et Thierry Comte, respectivement éleveurs laitiers en Côte-d’Or et dans l’Allier et fournisseurs de « C’est qui l’patron ? ». À leurs côtés était également présente Alessandra Kirsch, ancienne étudiante de l’Institut Agro Dijon et administratrice de la marque depuis peu de temps.

La question du prix mise sur la place publique

« C’est qui l’patron ? » est un véritable ovni dans le paysage de la commercialisation des produits agricoles. La marque est partie de situations économiques très difficiles vécues, il y a 7 ans, par des éleveurs laitiers de l’Ain qui avaient pris l’initiative d’interpeller directement les consommateurs sur l’insuffisance de la rémunération de leur produit. La marque a eu le mérite de réaliser quelque chose d’inédit à l’époque : mettre sur la place publique la question du juste prix à payer à des agriculteurs pour leur travail. Une initiative qui pouvait passer pour naïve ou idéaliste au départ, mais qui s’est finalement implantée dans le paysage, fédérant de plus en plus de producteurs partout en France, et des consommateurs acteurs qui se chargent de faire connaître et vivre la marque dans les rayons de la grande distribution. Aujourd’hui, « C’est qui l’patron ? » ne fait plus rire personne : des acteurs de l’agroalimentaire de toutes tailles ont, pour beaucoup, adopté la même approche, faisant à leur tour de la juste rémunération des producteurs, un nouvel argument commercial. Se faire copier ne pose pas de problème à Nicolas Chabanne qui voit dans cette évolution une dynamique fondamentalement vertueuse. Liée, au départ, au lait, la démarche s’est depuis élargie à d’autres produits agricoles mais la brique de lait au design simple et clair reste la « vitrine » de la marque. « Nous sommes aujourd’hui la brique de lait la plus vendue en France, soulignait Nicolas Chabanne. Nous sommes une coopérative qui compte 13 000 sociétaires fédérés par un objectif commun : donner du sens à leurs actes d’achat ».

Alliance objective

Depuis 2016 et le démarrage de la démarche dans l’Ain, plus de 3 000 producteurs agricoles ont été ainsi soutenus partout en France. Régis Neugnot est un de ceux-là. Éleveur laitier près de Semur-en-Auxois, en Côte-d’Or, il a repris l’exploitation familiale. 50 % de son lait est vendu à « C’est qui l’patron ? ». Il dit trouver dans cette démarche une manière de travailler en conformité avec ses valeurs et des prix rémunérateurs. Il vend aussi du lait cru par le biais d’un distributeur automatique installé à Semur. La force de la marque, rappelée dans le film « Nous consommateurs », réside en premier lieu dans cette alliance objective entre des producteurs et des consommateurs qui co-construisent les cahiers des charges appliqués aux produits souhaitant intégrer la démarche, les font respecter, décident du « bon prix » à payer, détectent les produits qui pourraient intégrer la marque… Nicolas Chabanne résume ainsi l’importance du lien producteur-consommateur généré par la marque : « quand un producteur et un consommateur entre ensemble dans un magasin, c’est impossible à arrêter ! »

Note de bas de page : Le film « Nous consommateurs » a été réalisé par Anne-Sophie Lévy-Chambon. Il donne lieu à de multiples diffusions lors d’évènements organisés un peu partout en France. Si vous souhaitez soutenir la démarche « C’est qui l’patron ? » , suivez ce lien : https://lnkd.in/erVcATwS