Secteur de Liernais
Pas la tête à moissonner

AG
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Les moissonneuses sont de sortie depuis plusieurs jours à Nailly, sur la commune de Censerey, où un orage a dévasté de nombreuses maisons et bâtiments agricoles le 21 juin.

 

Pas la tête à moissonner
Lionel Boisselet pensait davantage à ses bâtiments qu'aux résultas de son avoine, lundi après-midi.

D'ordinaire, l'heure des moissons est très attendue à l'EARL du Noyer, gérée par Lionel Boisselet. « C'est un moment généralement convivial au cours duquel nous échangeons avec nos collègues, nos amis, dans l'éternelle bonne humeur et en parlant avec passion de nos différentes cultures », reconnaît volontiers l'agriculteur de 55 ans. Cette année, la donne est totalement différente, ces moissons ont un même un goût « très fade » après l'orage dévastateur du 21 juin. Lionel Boisselet fait partie des sinistrés, avec notamment 3 500 m2 de toitures endommagées : « Le lendemain de l'orage, je me suis même demandé s'il fallait que je continue l'activité, s'il ne fallait pas plier les gaules... C'est dire. Aujourd'hui, il n'y a plus de place pour stoker quoi que ce soit, pas la moindre remorque de grains sous les bâtiments, car les cellules sont sous l'eau. Même la presse : je ne sais pas où la mettre. Je sollicite un dispositif que je ne connaissais pas jusqu'à présent : le dépôt-reprise par le biais de ma coopérative. Avec celui-ci, je fais partir aussitôt la récolte, avec la possibilité de la faire revenir plus tard. Cela représente un coût mais c'est une solution dans ce moment très difficile à vivre »

Un veau assommé

Lionel Boisselet n'est pas prêt d'oublier cette soirée du 21 juin : « nous étions en train de manger en terrasse quand un gros nuage est arrivé. Nous avons entendu les velux tomber à l'étage, cela ne sentait vraiment pas bon... Mon épouse regardait par la fenêtre, elle a vu un veau s'effondrer devant elle, il avait sûrement reçu un gros grêlon en pleine tête. Heureusement, il a réussi à se relever dix minutes plus tard. Le pire fut la suite, en constatant les dégâts dans hangars... ». L'exploitant agricole déplore de nombreuses pertes, en plus de ses toitures perforées : « la moitié de mes 350 bottes de foin sont fichues, idem pour 40 quintaux d'avoine qui étaient stockés depuis l'an passé. L'après-midi avant l’orage, j'avais rentré mon foin,mais il a fallut tout ressortir le lendemain matin. Mon Berlingo, j'avais eu la bonne idée de le rentrer, des morceaux de fibrociment sont tombés dessus mais ne l'ont pas abîmé. C'est bien sûr une bien maigre consolation ».

Un agenda chargé

Depuis ce jour, Lionel Boisselet enchaîne les démarches administratives, les coup de fils, les rencontres avec des professionnels : « l'assureur est passé voir l'importance des dégâts, il a été servi... Celui-ci m'a invité à lancer des devis sans attendre, chose que j'ai faite sans tarder. L'expert m'a également rendu visite. Cela occupe forcément le quotidien. Ces soucis, nous n'en avions vraiment pas besoin. Tous les sinistrés se demandent bien comment tout cela va se terminer, combien d'argent les réparations vont coûter, combien de temps tout cela va demander... ». À l'exception de deux parcelles d'orges d'hiver, dont l'une est quasiment détruite, les autres cultures de Lionel Boisselet devraient pouvoir tirer leur épingle du jeu : « l'avoine, le blé et le triticale ne s’annoncent ni extraordinaires, ni catastrophiques mais à vrai dire, ce n'est pas ma préoccupation du moment. Nous attendons du soutien, que les dossiers avancent vite et bien. Le temps va passer vite. Après ces moissons, il faudra bientôt rentrer les animaux... ».

Tout s'annonçait pourtant bien
Benjamin Boisselet, sous un de ses bâtiments perforés.

Tout s'annonçait pourtant bien

 


Benjamin Boisselet, lui aussi exploitant à Nailly, dresse bien évidemment le même constat que son cousin Lionel : « Ces moissons sont forcément très particulières. Tout s'annonçait pourtant bien avec des champs assez prometteurs, surtout avec le niveau de tarifs annoncé. Cet événement climatique a totalement rabattu les cartes pour nous ». Le week-end dernier, ce jeune agriculteur de 32 ans a récolté son avoine d'hiver destinée à la vente : « je termine sur un résultat de 5q/ha, alors qu'il était possible de viser au-delà des 50q/ha. La grêle n'a rien pardonné... Je suis assuré mais seulement au minimum. Le peu d'avoine livré a été vendu au prix de 220 euros la tonne, alors que l'assurance me couvre à hauteur de 100 euros. Il y aura un important manque à gagner ». La parcelle la plus impactée se situe pourtant sur une commune où les bâtiments ont été beaucoup plus épargnés qu'à Nailly : « il n'y a rien d'étonnant selon l'expert que j'ai rencontré. Là où il y a de la casse de matériels, il n'y a pas toujours de gros impacts dans les cultures et inversement. Cela s'explique par la taille des grêlons : des petits font par exemple beaucoup plus de mal aux épis ». Pour ne rien arranger, la paille, broyée par la grêle, a été très difficile à ramasser. Les tonnages sont même deux fois moins importants que d'ordinaire dans l'orge d'hiver, culture dont la partie touchée a terminé sur un timide rendement de 35 q/ha, représentant une perte potentielle de près de 30q/ha. Le blé, le triticale et l'ogre de printemps, qui devraient être fauchés à partir de cette fin de semaine, étaient heureusement moins grêlés. 

Demande de soutiens

Comme son cousin Lionel, Benjamin Boisselet a davantage les yeux rivés sur son exploitation : « pour ma part, j'ai cinq toits qui ne sont plus vraiment des toits, y compris celui de la maison. La voiture de mon frère, qui travaille un quart du temps sur la ferme, a été pulvérisée. J'ai dû jeter quatre tonnes d'aliments qui avaient pris l'eau, même sort pour 10 tonnes de triticale et d'orge que j'avais d'avance pour mes bovins. Une centaine de balles rondes de foins sont fichues. Celles qui attendent encore dans les prés, je ne sais pas où je vais pouvoir les mettre... Je n'ai heureusement aucun animal mort. Ce n'est pas le cas de deux autres éleveurs de la commune, j'ai entendu dire que cinq brebis et trois agneaux y étaient restés ». Benjamin Boisselet doit lui aussi jongler entre les récoltes et les démarches administratives : « d’habitude, nous sommes contents d’arriver dans les champs, les moissons représentent une finalité du travail de l'année. Cet orage casse décidément tout, dans tous les sens du terme. Nos journées commencent par deux heures de bureau, il faut rappeler en journée les personnes que nous n'avons pas réussi à joindre. Et surtout : les questions restent nombreuses après cet aléa. Comment cela va t-il se finir ? Je souhaite que nos autorités nous soutiennent un maximum, je crains que nous nous sentions très seuls d'ici peu... Il faut que les assurances nous payent le maximum de ce qu'elle peuvent, sinon nous sommes très mal ».

 

photo supplémentaire si place

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