Mise au point
La dénomination Viande désormais protégée

Christophe Soulard
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Désormais c’est inscrit dans la loi : fini les « steaks » de soja ou les « lardons » végétaux. Ces produits n’ont plus le droit de jouer sur les mots et doivent être présentés et vendus pour ce qu’ils sont : de la protéine végétale.

La dénomination Viande désormais protégée
Un steak, c'est de la viande et uniquement de la viande. Désormais, c'est la loi qui le dit. (Crédit fcafotodigital)

La Première ministre, Élisabeth Borne a signé le 29 juin et fait publier le 30 juin, un décret (n° 2022-947) relatif à l’utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales. Ce décret vient en partie appliquer la loi « Transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires », votée au printemps 2020. Les deux textes ont pour vocation et objectif d’éviter toute tromperie du consommateur, sur certaines dénominations comme « steak de soja », « Nuggets blé et oignons », « saucisses végétales », « lardons végétaux », etc. Concrètement à partir du 1er octobre, ce décret de neuf articles interdit notamment « d’utiliser, pour désigner un produit transformé contenant des protéines végétales : 1° Une dénomination légale pour laquelle aucun ajout de protéines végétales n’est prévu par les règles définissant la composition de la denrée alimentaire concernée ; 2° Une dénomination faisant référence aux noms des espèces et groupes d’espèces animales, à la morphologie ou à l’anatomie animale ; 3° Une dénomination utilisant la terminologie spécifique de la boucherie, de la charcuterie ou de la poissonnerie ; 4° Une dénomination d’une denrée alimentaire d’origine animale représentative des usages commerciaux ». Le décret précise en outre que tout manquement « est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 1 500 euros pour une personne physique et 7 500 euros pour une personne morale », écornant ainsi le caractère dissuasif et contraignant de cette mesure.

Satisfaction générale

Un très grand nombre d’organisations agricoles se satisfont de cette avancée pour lesquelles elles se sont fortement mobilisées. C’est le cas de la FNSEA, JA, CFA, FNO, FNEC, FNP, FNPL, qui indiquent dans un communiqué commun que « la France effectue […] un nouveau pas décisif dans la transparence de l’information ». C’est aussi le cas des interprofessions de l’œuf (CNPO) et du porc. Le CNPO souligne « une première étape de protection des dénominations traditionnelles de denrées d’origine animale sur le territoire français », quand l’Inaporc affirme, par voie de presse, « y voir une avancée majeure en matière de transparence et d’information honnête du consommateur ». Le CNPO demande en outre que l’application du décret s’accompagne de contrôles accrus de la DGCCRF, qui avait déjà relevé dans une enquête réalisée en 2020 que plusieurs dénominations pouvaient être trompeuses. Toutes les organisations sont également unanimes pour que le périmètre de cette mesure soit élargi au sein de l’Union européenne, « à tous les produits, quelle que soit leur origine », plaident-elles. En effet, « si le décret s’applique aux produits fabriqués et commercialisés sur le territoire français, ce n’est pas le cas pour ceux importés depuis l’UE (hors produits laitiers) ». Ce qui pourrait être inclus dans la stratégie Farm to Fork. Ce décret est aussi « une reconnaissance de l’engagement et du savoir-faire des 3 500 éleveurs français et de tous les professionnels de la filière », souligne le CNPO. Un avis semble-t-il très largement partagé au sein de la communauté agricole qui entend non seulement appeler un chat un chat pour que les produits cultivés gardent une image d’excellence valorisée par la gastronomie française !

Note de bas de page : Le texte de loi est disponible sur le site : www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045978360

L'interprofession bétail et viandes Interbev se félicite de la mise en application de cette disposition du code de la consommation, qui constitue une avancée majeure en matière de transparence de l’information délivrée aux consommateurs. Il ne sera plus possible d’utiliser la terminologie propre aux secteurs traditionnellement associés à la viande et à son champ lexical, pour désigner des produits n’étant pas d’origine animale qui, par essence, ne sont pas comparables. Cette disposition est une première étape sur le territoire français, pionnier dans la protection de ses dénominations, qu’il conviendra d’élargir au niveau européen. « En tant que porte-parole de la filière Elevage et Viande, précise Jean-François Guihard, le président d'Interbev, mais aussi en tant qu'artisan boucher, je me félicite de l'adoption de ce décret, qui constitue une étape essentielle en faveur de la transparence de l'information au consommateur ainsi que de la préservation de nos produits et savoir-faire. La protection des dénominations carnées et leur encadrement réglementaire est un sujet très important sur lequel notre interprofession se mobilise depuis plusieurs années »

« Adieu donc steaks de soja, saucisse de tofu, merguez ou autres knacks végétales, autant de denrées non issues du monde animal ! », se réjouit l’Académie de la viande dans un communiqué de presse. Satisfaite du décret n° 2022-947 du 29 juin interdisant l'utilisation des dénominations animales pour les produits contenant des protéines végétales, elle souligne être « soucieuse de la plus rigoureuse orthodoxie dans l’utilisation du vocabulaire appliqué à la viande ». Si elle concède avoir « (tiqué) devant l’usage fallacieux et abusif de dénominations spécifiques aux produits carnés pour caractériser des aliments à base de protéines végétales », elle se félicite surtout « de cette avancée majeure pour la transparence de l’information du consommateur ! ». A partir du 1er octobre, les « steak », « saucisses » ou « boudins végétaux » ne pourront plus être vendus en France sur les étals sous ces appellations.