L’enjeu régional de la formation des responsables agricoles était au cœur de l’évènement organisé le 30 juin à l’Institut Agro de Dijon. Cette thématique est cruciale pour que le monde agricole pèse sur les choix et fasse entendre sa voix, dans un monde de plus en plus complexe.

L'enjeu de la formation des responsables agricoles en BFC
Une matinée de débat et d'échanges autour de la nécessité, pour les responsables agricoles, de se former. Il fallait au moins ça et la réflexion est relancée sur cet enjeu important.

Ne plus laisser les enjeux qui concernent l’agriculture se définir en dehors du monde agricole, reprendre une partie du pouvoir : ces priorités apparaissaient en filigrane de la matinée d’échanges consacrée aux enjeux régionaux de la formation des responsables agricoles. Organisée par la Chambre régionale d’agriculture de Bourgogne-Franche-Comté (BFC), JA BFC, l’Ifocap et l’Institut Agro Dijon, elle a rassemblé, dans les murs de ce dernier établissement, des acteurs concernés à de multiples titres par le thème. Le constat est partagé : aujourd’hui, les fonctionnements sociétaux (médias, réseaux sociaux, législation, activisme d’associations…) obligent à construire des réponses venues du monde agricole mieux structurées, plus professionnelles, et capable d’utiliser à son profit les armes qu’on lui oppose parfois. Pour cela, il existe des dispositifs de formation (voir encadré) qu’il faut savoir mobiliser, à condition de surmonter certains a priori (déficit supposé de compétence, manque de temps…). Les participants à la matinée du 30 juin ont tous apporté leur pierre à cet édifice encore à consolider.

Mise en commun des moyens

Les attentes principales tournent souvent autour des mêmes préoccupations : mieux communiquer pour mieux défendre l’agriculture, comprendre l’univers dans lequel on évolue, savoir analyser et argumenter. Il semble aussi qu’en BFC, définir une bonne politique de formation à ce niveau devrait impliquer une mise en commun des moyens des différentes OPA. Agir groupé semble plus efficace qu’à travers une offre « éclatée ». L’exemple de Renford dans le Nord-Pas de Calais illustre ce constat. Julien Macke, exploitant agricole près de Dunkerque, impliqué dans la FDSEA 59, a suivi cette formation : « J’en retiens l’ouverture sur le monde et un travail sur moi-même. Je comprends mieux les dossiers dans leur globalité, avec tous les acteurs concernés. Mon regard sur mon métier a évolué. J’ai pris conscience de l’importance d’avoir le grand public avec nous ». Pour Laurent Mingan, directeur de l’Ifocap, « les formations de responsables agricoles telles que Renford peuvent contribuer à construire des projets de développement de territoires en ayant, entre les OPA, une capacité à aller ensemble pour porter des dossiers auprès d’une région ou d’une communauté de communes ».

Nourrir une curiosité

Ce lien entre formation et amélioration du rapport avec les collectivités, Nicolas Joret en témoigne aussi : vice-président du Conseil régional de BFC, maire de Joigny, dans l’Yonne et président d’une communauté de communes, il dit avoir toujours été convaincu qu’il n’y a que par la formation qu’on peut être au niveau des multiples interlocuteurs auxquels on est confrontés. « Quand on est élu local, il faut une bonne dose de curiosité, la formation participe à nourrir cette curiosité. On a besoin d’avoir face à nous, des personnes qui soient formées, notamment à nos propres contraintes, tout comme nous devons être formés à leurs contraintes ». « Pour animer et faire vivre le collectif agricole, ajoutait pour sa part Christian Decerle, président de la Chambre régionale d’agriculture de BFC, il faut des gens engagés et armés pour réussir. Il le faut aussi pour nourrir les arbitrages des décideurs, avec une pensée claire, efficacement portée, avec détermination, lucidité et précision. Être un responsable agricole et jouer à armes égales avec un décideur politique ou administratif réclame une posture que l’enseignement agricole classique ne transmet pas forcément naturellement ». D’où l’importance d’une formation continue qui complétera la formation initiale reçue par un exploitant. François-Etienne Mercier est convaincu de cette nécessité. Exploitant en Meurthe-et-Moselle, il était jusqu’à une date récente, en charge de la formation au sein des JA nationaux : « J’ai rapproché la formation initiale de la formation continue au sein de JA parce qu’on a besoin de se former en permanence. Il faut aussi apprendre à organiser son absence sur l’exploitation, quand on fait le choix de se former. Ce n’est pas toujours simple ».

Un temps qui n’est pas perdu

C’est là un aspect très important de la problématique. « Il faut prendre le temps de se former, ajoutait Samuel Legrand, agriculteur de l’Yonne, même si c’est une contrainte. Il faut comprendre que se former permet de gagner du temps. Ce que j’ai aimé a en me formant par le biais d’Agri-Actes, c’est le fait de mettre des gens très différents autour d’une table. Apprendre à se connaître et à connaître les autres permet d’avancer ». Thibaud Renaud, agriculteur de Saône-et-Loire, secrétaire général de JA 71, et qui a suivi Avenir Formation, estime pour sa part que « en réfléchissant sur l’engagement, j’ai trouvé des ressources pour m’épanouir personnellement. Il faut se former et échanger avec des personnes qui sont engagées depuis longtemps afin d’être en accord avec soi-même ». Savoir réfléchir de manière globale, prendre du recul et inscrire son activité d’agriculteur dans un écosystème sont des notions aujourd’hui nourries par la formation des responsables agricoles. Pour François Roche-Bruyn, directeur général de l’Institut Agro Dijon « les responsables agricoles doivent être préparés à travailler sur les controverses qui animent notre société tout en étant solides et sereins ». « Les formations que nous proposons, ajoutait Stéphane Aurousseau, président de l’Ifocap, sont des laboratoires de l’engagement et de la responsabilité. Elles permettent la mise en œuvre d’une pédagogie de l’action. On vient aussi à l’Ifocap pour se former à agir dans le cadre d’un collectif, parce que la vie professionnelle agricole doit se comprendre comme une globalité, avec des réalités très diverses ». La conclusion de cet événement revenait à Dominique Barrau, ancien secrétaire général de la FNSEA et agriculteur retraité de l’Aveyron : « L’alimentation, l’agriculture sont des enjeux de société depuis toujours. Être formé, c’est avoir les outils pour peser sur les évènements. On réalise combien l’agriculture est importante et c’est maintenant qu’il faut, en face des politiques, des interlocuteurs agricoles capables de « jouer le match » avec eux. Pour cela, il n’y a qu’une chose à faire : se former ».

Trois dispositifs de formation étaient présentés à cette occasion :

Avenir Formation :

-faire sortir l’agriculteur de sa ferme

-prendre du recul et de la hauteur

-avoir les outils pour devenir acteur dans le monde qui est le leur

-favoriser les projets collectifs et individuels.

Formation en cinq modules chaque année avec une promotion d’une dizaine de personnes, entre novembre et mars.

Agri-Actes :

Elle intervient en complément d’Avenir Formation.

L’idée est de faire un pas de côté, de prendre la mesure de la complexité du monde. Comment être acteur dans cette complexité ? Elle se réalise en dix jours répartis sur une période de six mois. Acquisition de méthodes pour agir. Compréhension de la manière dont se construisent les politiques publiques. Apprendre à se positionner par rapport aux attentes sociétales.

Renford : Responsables en formation pour demain.

But : participer à l’insertion de l’agriculture dans les territoires, maîtriser les outils du responsable professionnel, s’ouvrir à d’autres cultures, mieux se connaître, formaliser le responsable que l’on souhaite devenir. Elle s’étale sur 3 ans, à raison de 8 jours par an.

Florence Marquis-Imbert est responsable Développement Innovation au sein du Village by CA de Dijon. Auparavant, a été directrice du Herd-Book Charolais et de Charolais France : « J’ai travaillé avec une vingtaine de présidents, tous différents, tous engagés, investis et passionnés, avec une volonté forte de défendre les agriculteurs. On peut avoir une même volonté, un même engagement, mais, au final, en fonction du fait qu’on est formé ou pas, on n’atteint pas son objectif avec la même facilité. Les personnes formées développent des postures de leadership, une capacité à s’adapter à son auditoire. On apprend à avoir une vision plus globale des choses. On comprend que la structure pour laquelle on travaille évolue dans un écosystème à prendre en compte. Il faut une capacité à convaincre, à argumenter, à comprendre des personnalités différentes, apprendre à fédérer des profils différents. Se former est aussi capital pour assurer le bon fonctionnement du tandem président-directeur : un président formé a une meilleure appréhension de sa mission. Le duo est alors beaucoup plus performant et efficace. Cela apporte un gain de temps dans un contexte où tout le monde avance vite ».