Biosécurité
Des rapaces pour réguler les nuisibles dans les silos

Berty Robert
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Créée en 2018, la société Fauconnerie Team développe une offre de services très complète destinée à réguler les populations d’oiseaux présentes dans les silos agricoles. Elle a recours à des rapaces mais pousse la logique plus loin que le simple effarouchement.

Il faut se méfier des noms d’entreprises qui paraissent un peu trop évidents : dans Fauconnerie Team, il y a l’idée d’une équipe. Mais « Team » est aussi l’acronyme de Technique d’effarouchement aviaire maîtrisée. Ce qui en dit beaucoup plus sur ce qu’est cette société, fondée il y a cinq ans en Côte-d’Or par Thimotée Josselin. La maîtrise -vis-à-vis de la nature et des attentes des clients- est la base sur laquelle reposent toutes ses actions. Elle développe une offre de services destinée à lutter contre les nuisances liées à la présence excessive d’oiseaux dans les silos agricoles. Une action en conformité avec les exigences sanitaires élevées auxquelles les grands groupes du secteur doivent se soumettre. L’originalité de l’approche de Fauconnerie Team, c’est le recours à des rapaces. Mais s’en tenir à cet aspect est réducteur.

Protocoles précis

Au-delà de l’effarouchement ou de la régulation naturelle des populations aviaires, l’entreprise met en place des protocoles précis qui assurent un suivi de qualité sur les sites concernés et sur le long terme. L’intervention des rapaces, traduction la plus spectaculaire de son action, se double de véritables contrats d’entretien reposant sur une idée de base : il ne s’agit pas d’éradiquer des populations d’oiseaux, mais de rétablir un équilibre aussi proche que possible de celui qu’on trouve dans la nature, afin de préserver la qualité sanitaire dans les stockages de produits agricoles. Une offre qui attire aussi des collectivités ou des exploitants agricoles. « On propose des solutions alternatives, précise Thimotée Josselin. Nous ne sommes pas dans l’extermination mais dans la régulation de population de nuisibles, par des outils curatifs et par une approche orientée vers la mise en place de programmes de bio-prédation. On rétablit un équilibre en introduisant un bio-prédateur. » Thimotée est né dans la fauconnerie. Régulièrement, il était sollicité pour intervenir face à des populations de pigeons ou de corbeaux qui menaçaient des espaces agricoles. Après avoir fait des tests en 2018, il est parvenu à la conclusion que créer une entreprise sur ce secteur serait pertinent. « Cela pouvait me permettre de vivre de ma passion ». Fauconnerie Team compte aujourd’hui une dizaine de collaborateurs (dont deux alternants), auxquels s’ajoutent 15 sous-traitants. « Tout a été très vite, précise le fondateur, mais nous avons structuré notre fonctionnement. Il fallait mettre en place des protocoles pour accompagner ce développement. Au début, l’activité a beaucoup fonctionné sur le bouche-à-oreille. Nous avons créé des méthodologies qui permettent de combiner plusieurs actions afin d’obtenir un résultat durable, parce que simplement effaroucher des pigeons avec des rapaces sans rien derrière, ça n’est pas d’une grande utilité : ils reviennent ».

Contrats annuels

Cette structuration s’est notamment construite en lien avec Dijon Céréales, à partir de 2019. « On a travaillé avec Ludovic Lignier, technicien de sanitation au sein de la coopérative, pour tout ce qui concerne les métiers du grain. Il m’a permis d’assister à plusieurs réunions entre grands responsables de coopératives françaises, au cours desquelles j’ai pu présenter mon entreprise. Mon approche de bio-prédation a interpellé ». Des tests ont été réalisés avec la coopérative dijonnaise. Ils ont consisté à réguler les colonies aviaires sur certains sites de la coopérative et se sont révélés probants. Aujourd’hui Fauconnerie Team opère selon un contrat annuel avec Dijon Céréales. Ce principe de contrat constitue son modèle économique. « Il y a une partie curative, durant laquelle on régule une bonne part de la colonie de volatiles qui pose problème, puis on propose du contrat d’entretien. Ça apporte de la stabilité à l’entreprise ». Les actions dans les silos permettent d’éviter les contaminations liées aux fientes, la pullulation, la sédentarisation de certains volatiles… tout ce qui peut entraîner des risques de santé publique. « On a travaillé pour eux sur des corbeaux, des pigeons, des moineaux. Sur ce dernier type d’oiseau, on est assujettis à une réglementation drastique car il s’agit d’une espèce protégée. On doit avoir une veille constante sur les arrêtés municipaux. Nos méthodes sont très réglementées. On ne peut pas faire n’importe quoi ». En complément, l’entreprise propose Aviclean, une solution de nettoyage : l’équipe a obtenu des agréments lui permettant d’utiliser des produits dans ce but. Elle s’est aussi formée au métier de cordiste afin de travailler en hauteur pour installer des filets ou des pics sur les sites, empêchant un retour des oiseaux. « On apporte une réponse globale qui permet d’obtenir une densité de volatiles acceptable sur les sites. Pour le suivi de nos programmes, on va régulièrement sur place, on crée des liens avec les responsables de silos, on met en place des outils pour faciliter les échanges d’informations ».

Une démarche de gestion valorisable

« C’est un gros avantage pour nos clients, précise Clémence Colot, responsable qualité de l’entreprise depuis octobre 2021, parce que le jour où ils sont audités, ils peuvent mettre en avant que leur site a mis en place une démarche de gestion de ce type de nuisance. Les clients peuvent afficher dans leurs locaux des certificats d’effarouchement, mais nous devons aussi donner des explications : nos clients ont besoin de comprendre la manière dont nous agissons pour intégrer cela à leurs plans de prévention ». Aujourd’hui, Fauconnerie Team travaille pour plusieurs grands groupes : Dijon Céréales, Bourgogne du Sud, Téréos, Terrena, Panzani, Les Grands Moulins de Paris, Ecolab. Faire appel à eux, c’est pouvoir se prévaloir de pratiques vertueuses que l’on peut valoriser en termes d’image et dans le cadre d’une politique de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). En mars 2020, l’entreprise a complété son dispositif par l’implantation de nichoirs, en partenariat avec l’association La Choue, qui étudie et protège les rapaces nocturnes en Bourgogne-Franche-Comté. « Le résultat a été une vraie surprise pour nous en termes de taux d’occupations de ces nichoirs, souligne Thimotée Josselin. On les installe uniquement si on détecte la présence naturelle d’un rapace. Cela peut permettre de le sédentariser sur le site et qu’il s’y reproduise. Le résultat c’est une autorégulation et une bio-prédation plus importante. Sur un site comme Pagny, en Côte-d’Or, les trois nichoirs sont habités. On y a noté six naissances de chouettes effraies et quatre de faucons crécerelle par an ». L’entreprise fait aussi beaucoup de protection de cultures pour des agriculteurs, contre les corvidés ou les pigeons ramiers. Des semenciers font appel à ses services. La difficulté, c’est de parvenir à mener des actions « non-accoutumantes », à un rythme irrégulier et aléatoire, car les oiseaux ciblés comprennent très vite la menace et peuvent s’y adapter. Il faut donc une pression constante, avec des outils différents, jamais dans le même créneau horaire. « Fauconnerie Team est une entreprise de son temps, conclut Clémence Colot : les gens ne veulent plus de produits chimiques, ou que les oiseaux soient éradiqués. Le principe d’une régulation est bien plus adapté. Et puis c’est un métier de passion… ».

 

Des rapaces pour surveiller les silos

Quand Fauconnerie Team parle d’approche globale, cela concerne aussi le devenir des animaux prédatés par les rapaces de l’entreprise : les pigeons, s’ils sont en bonne santé, entrent dans le circuit alimentaire pour nourrir la fauconnerie. Ils sont récupérés et euthanasiés. Une partie est donnée aux rapaces de Thimotée Josselin pour leur nourriture à la fauconnerie située à Labergement-lès-Seurre, l’autre part à l’équarrissage.