Assurer ses prairies
Une solution qui doit encore gagner du terrain

Propos recueillis par Berty Robert
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David Doyer est éleveur en Gaec en Côte-d’Or. Il préside la caisse Groupama de Bligny-sur-Ouche / Pouilly-en-Auxois et est aussi vice-président de la fédération Groupama de Côte-d’Or. Un an après la mise en place d’un nouveau système d’assurance multirisque climatique, il fait le point sur la possibilité d’assurer ses prairies.

Une solution qui doit encore gagner du terrain
David Doyer est éleveur en Côte-d'Or, à Chaudenay-la-Ville.

Pouvez-vous expliquer dans quel contexte est née l’assurance multirisque climatique Prairie ?

David Doyer : "Il faut se rappeler qu’avant la réforme de la gestion des risques, entrée en vigueur au 1er janvier 2023, quasiment aucun éleveur n’assurait ses prairies (- de 1 % des surfaces). Ce qui a été déterminant, c’est la disparition du régime des calamités agricoles. Avant, les éleveurs comptaient sur ce régime, en cas de gros coup de sec sur leurs exploitations, pour être indemnisés. Début 2023, d’importantes communications ont été faites par Groupama, auprès des sociétaires. En Côte-d’Or, nous avons organisé cinq réunions dans ce but, afin de mener un travail d’explication et de pédagogie nécessaire, car le nouveau dispositif d’assurance est assez technique, en particulier sur les contrats multirisques climatiques (MRC) Prairies. Aujourd’hui encore, je m’aperçois qu’il est nécessaire d’informer parce que beaucoup de gens ne sont pas encore au courant de ce qui peut être mis en place sur chaque exploitation dans ce cadre".

Depuis un an, comment cette assurance a-t-elle été reçue par les éleveurs concernés ?

DD : "L’assurance des prairies monte en puissance. Sur les 11,5 millions d’ha de prairie en France, la réforme avait, au départ, pour objectif d’en assurer 30 % d’ici cinq ans, soit 3,5 millions d’ha. La première année de souscription a déjà permis d’assurer 1,4 million d’ha, tous assureurs confondus, avec une part de marché de 50 % pour Groupama sur ce type de contrat (670 000 ha pour 6 700 contrats). Sur la caisse régionale Groupama Grand Est, on est à 493 contrats pour 51 000 ha couverts. En Côte-d’Or, Groupama a conclu 70 contrats. On va donc assez vite. Néanmoins, je trouve que parmi mes collègues éleveurs, il n’y en a pas encore assez qui s’assurent. C’est d’autant plus regrettable que 70 % du coût de la cotisation au contrat est pris en charge par l’État et l’Europe. Dans des départements comme le Cantal ou l’Aveyron ou la SAU est composée à 85 % d’herbe, les éleveurs ont fortement adhéré (+ de 20 % des surfaces assurées) au contrat Prairie dès la 1re année de la mise en place. Pour moi c’est un marqueur fort, ce contrat répond vraiment à une attente sur le terrain des zones spécialisées élevage. Par ailleurs, pour pérenniser cette réforme, le Gouvernement s’est engagé à verser jusqu’à 600 millions d’euros par an pour faire fonctionner le système".

Quels sont les critères de choix à appliquer si l’on veut s’assurer ?

DD : "Pour l’éleveur qui voudrait contractualiser, Groupama propose un outil de diagnostic très pratique (sur groupama.fr), sur lequel il est possible de faire des simulations sur des prix de rachat de fourrage, par exemple. L’éleveur peut jouer sur ce critère pour faire varier sa cotisation à la hausse ou à la baisse. Il y a aussi le critère des stocks de fourrage en fin d’hiver : plus le stock sera important et moins le besoin en rachat de fourrage sera important, ce qui joue, là aussi, sur le montant de cotisation. Il est aussi important de jouer sur la franchise. On peut varier de 20 % à 25 % de pertes pour la franchise. Les non-assurés doivent être conscients que le Fonds de solidarité national (FSN) ne jouera pas à plein pour eux. Ils ne pourront toucher que 40 % du FSN. C’était 45 % en 2023 et ça ne sera plus que 35 % en 2025… Concrètement, pour les non-assurés, le seuil de déclenchement à partir de 30 % de pertes représentera une franchise pour l’exploitant. Dans ce cas, l’indemnité de solidarité nationale ne constituera donc qu’un filet de sécurité en cas de fortes pertes mais le niveau d’indemnisation sera bien inférieur à celui qui était obtenu dans le cadre des calamités agricoles. La solidarité nationale jouera donc à plein pour les assurés et sera rendue à peau de chagrin pour les non-assurés, ceci dans le but d’assurer le plus grand nombre en rendant le dispositif assurantiel incitatif".

Vous êtes vous-même éleveur. Quels choix avez-vous privilégiés ?

DD : "Sur notre Gaec, nous avons 250 ha de surface en fourrage. Pour moi, le contrat MRC Prairie est vraiment l’outil qui permet d’amortir le choc d’un gros coup dur sur l’exploitation et de ne pas la mettre en péril. Nous avons fait le choix de la franchise à 20 % avec un prix de rachat de fourrage à 240 euros. En reste à charge, nous avons à peine 12 euros/ha. Il faut savoir qu’en année très sèche, comme 2003, les prix de fourrage peuvent doubler sur le marché. Sécuriser sa production d’herbe doit être la première réflexion de chaque éleveur, c’est fondamental".

Quel bilan peut-on tirer de cette première année de fonctionnement de l’assurance prairie en Côte-d’Or ?

DD : "Il faut savoir qu’en 2023, sur les 70 contrats d’assurance Prairie souscrits en Côte-d’Or, 45 ont déclenché une perte. Cela prouve l’efficacité du dispositif en cas d’aléas prononcés dans certaines zones. Je sais que la profession agricole avait quelques réticences au niveau de la fiabilité du calcul de la mesure de la pousse de l’herbe par le satellite. Ces chiffres dans le 21 démontrent au contraire que le système est fiable. Ces pertes, et les indemnisations qui vont avec, sont déclenchées par la surveillance satellitaire qui mesure la pousse de l’herbe, entre le 1er mars et le 30 octobre. Pour vérifier la cohérence des mesures satellitaires, on dispose de fermes-test sur tout le territoire, qui permettent de faire des comparaisons. Depuis des années le système satellitaire Airbus mesure la pousse de l’herbe sur tout le territoire national. Le satellite détermine votre indice de production des prairies (IPP) de l’année qui sera comparé avec votre indice de référence historique pour déterminer s’il faut vous indemniser. Élément important : la réactivité du système. Après la fin de la mesure au 31 octobre, si une perte est calculée vous recevez le chèque en quelques jours. En comparaison du régime des calamités agricoles avec des déclarations auxquelles personne ne comprenait rien et où l’indemnisation arrivait sur les comptes des exploitants parfois 12 mois plus tard, cela n’a plus rien à voir. Enfin, Groupama a choisi de prendre en compte les mesures satellitaires qui portent sur les zones herbagères dans les communes, et pas seulement le territoire des communes, ce qui est aussi plus cohérent et plus fin dans le calcul de la perte d’herbe".

Note : Pour plus de renseignements sur le contrat d’assurance prairies dans le 21, rapprochez-vous de votre conseiller agricole habituel ou, pour les non-sociétaires, vers l’animateur technico-commercial du département, Franck Poinsot : 06 30 20 57 68. Pour les autres départements du Grand-Est : 03 88 188 188.