Élevage
Une passionnée à toute épreuve

Christopher Levé
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À Moutiers-en-Puisaye, Valentine Boutaut a rejoint l'exploitation familiale il y a un peu plus de trois ans. Éleveuse de vache à lait et productrice de fromages, cette dernière jongle entre ses activités à la ferme et son rôle de maman. Ses journées sont chargées, mais sa force de caractère et sa passion font d'elle une femme inspirante de notre territoire. Rencontre.

Une passionnée à toute épreuve
Valentine Boutaut est une vraie passionnée.

Pour ce second portrait, rendez-vous à Moutiers-en-Puisaye. C’est sur l’exploitation de la famille Boutaut que nous rencontrons Valentine, la fille. À 26 ans, la jeune femme travaille aux côtés de son père, Yves Boutaut, depuis plus de trois ans, en juin 2019 exactement. Un peu moins d’un an après, le 7 mai 2020 précisément, Valentine Boutaut s’installe, avec son propre projet : la fromagerie. « Je ne voulais pas seulement revenir sur la ferme familiale existante, créée il y a 40 ans (elle est la quatrième génération), je voulais venir avec mon idée », confirme-t-elle.
Sur cette exploitation, se trouvent 90 vaches, qui produisent chaque année 800 000 litres de lait, envoyés à la laiterie Saint-Denis-de-l’Hôtel (dans la démarche C’est qui le patron ? !). Quant à la partie fromagerie, cela représente 35 000 litres de lait transformé, en 2022. « Je propose une gamme assez large, pour toucher différents clients : restauration collective, restaurants et marchés. Les marchés ? C’est une passion pour moi. Cela me permet d’avoir ce relationnel que l’on n’a pas forcément lorsque l’on est dans nos fermes ».
Alors, comment lui est venu ce projet de créer une fromagerie ? « C’est parce que j’aime beaucoup la nourriture », rit-elle. « Le but était de pouvoir valoriser mon produit premier, qui est le lait, en fromage, je trouvais cela intéressant au niveau gastronomique. Aussi, je voulais apporter ma touche personnelle sur la ferme et ne pas seulement être la fille de papa. Je voulais avoir mon identité. Je respecte totalement ce que mon père a bâti, mais en arrivant sur la ferme, je voulais qu’on me reconnaisse en tant que Valentine et non la fille d’Yves Boutaut ».

L’organisation, la clé de la réussite

En dehors de la ferme, Valentine Boutaut est aussi une jeune maman, d’une petite fille d’un an et demi, « qui me suit partout », sourit-elle. Agricultrice et maman ? C’est très loin d’être incompatible. Cela demande simplement un peu (beaucoup ?) d’organisation. « Tous les jours, je me lève à 5 heures. À 5 h 30 je suis avec les vaches. À 7 h 30 – 7 h 45, il faut que j’aie fini de traire, avant de retourner à la maison », indique-t-elle. « Je m’occupe de quelques tâches ménagères, ensuite, je réveille ma fille entre 8 heures et 8 h 15. Je fais le biberon, je joue avec elle et je la dépose chez la nounou à 9 heures. Puis je vais en fromagerie jusqu’à 12 h 30 – 13 heures. L’après-midi ? Je suis à nouveau avec les vaches. Je fais la surveillance dans les champs, la reproduction (insémination et échographie ; elle était inséminatrice avant de s’installer). L’après-midi, je veux être dehors », rit-elle.
Sa fille, elle, retrouve sa maman auprès des vaches vers 17 heures. « Elle fait la traite avec moi durant un moment », s’amuse Valentine Boutaut, « puis elle rentre avec son père ou ma mère. Moi, je poursuis mon travail jusqu’à 19 h 30 minimum, souvent jusqu’à 20 h 30 – 21 heures ».
La clé pour réussir à conjuguer tout cela ? « Être passionnée », assure-t-elle. « Comme je le dis souvent, en tant qu’agricultrice, je suis à mi-temps : je travaille 12 heures par jour », rit Valentine Boutaut.

Une vraie force de caractère

Mais au-delà de sa passion, c’est sa force de caractère qui la définit. Car être une jeune femme dans un milieu où les hommes sont encore majoritaires, n’est pas toujours facile. « Certains nous jugent, nous, les femmes », constate Valentine Boutaut. « Ils ont peut-être plus confiance en nous qu’avant, on est un peu plus accepté. Mais encore aujourd’hui, il faut toujours faire plus, toujours prouver que l’on est capable. Moi, j’ai la chance d’être bien entourée, je suis énormément soutenue par mon père. Il m’a souvent relevée face à la dureté des critiques. Mais, être agricultrice, c’est aussi savoir traverser des crises, des moments difficiles. Il faut être convaincu que si on fait ce travail-là, c’est parce qu’on l’aime ».
Si elle devait s’adresser aux jeunes femmes qui veulent s’installer, son message serait clair : « il ne faut pas lâcher, affirmer son caractère. J’ai souvent entendu des gens qui essayaient de me déstabiliser, voire de me rabaisser. Mais il ne faut pas se dégonfler et montrer qu’on est sûr de ce qu’on fait et qu’on a notre place. Il faut parfois accepter des remarques difficiles. Il faut être forte ».
Même si le chemin n’a pas toujours été simple, aujourd’hui, Valentine Boutaut assure être heureuse, et ne changerait pour rien au monde son métier. Car comme elle le dit elle-même, « oui, je me lève tous les jours à 5 heures du matin, mais si je ne voyais pas mes vaches, je serais malheureuse ».

Éviter les risques grâce au DUER

Valentine Boutaut a récemment suivi la formation « rédiger son DUER » faite par la FDSEA de l’Yonne. Un document important selon elle, pour éviter les dangers potentiels sur une exploitation. « À la fromagerie, lorsque ma salariée est arrivée, on a fait un tour global pour lui montrer les potentiels dangers, les choses à savoir. Par exemple, le sol peut vite être glissant à certains endroits, donc il faut être vigilant pour ne pas tomber. Le risque zéro n’existe pas, on peut se couper avec le matériel, c’est un peu comme à la maison. Il faut connaître les potentiels dangers et faire attention, en veillant à respecter certaines consignes, comme ne pas transporter plusieurs plaques de fromages à la fois. Car si on glisse, c’est toute une production qui est jetée à la poubelle », affirme-t-elle.