Réutilisation des eaux usées traitées
« Conditionner l’accès à l’eau à des choix arbitraires est une erreur »

Propos recueillis par Léa Rochon
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Producteur de maïs en Dordogne et président de l’association Irrigants de France, Éric Frétillière plaide pour une avancée significative en matière d’irrigation agricole via la réutilisation des eaux usées traitées (Reut).

« Conditionner l’accès à l’eau à des choix arbitraires est une erreur »
Éric Frétillière, président de l’association Irrigants de France. (Crédit photo : Irrigants de France).

Un nouveau règlement européen sur la réutilisation des eaux usées traitées (Reut) est sorti en 2020, quelles en sont les conséquences ?

Éric Frétillière : « Ce règlement sur la réutilisation des eaux usées traitées du 25 mai 2020 est entré en vigueur en juin 2023. Il concerne l’irrigation des cultures et des espaces verts. En termes de qualité de l’eau attendue, cette nouvelle réglementation est supérieure à celle de la France, qui a donc dû s’adapter. Nous observons donc que la France souhaite aller vers la réutilisation des eaux usées, là où c’est possible. Mais tant que le texte français lié à l’irrigation des productions agricoles et à son application ne sera pas clairement arrêté et défini, aucun projet ne démarrera. Nous attendons le texte définitif et réétudierons les projets en attente à ce moment-là. Dans tous les cas, Irrigants de France attend d’être consulté, afin que le monde agricole puisse avancer sur ces projets. Nous défendrons le fait que les agriculteurs puissent avoir accès à l’eau sans un coût prohibitif et qu’ils ne pourront pas être attaquables si un problème sanitaire survient. Nous plaiderons peut-être pour que la responsabilité incombe à la station en charge du traitement des eaux usées, comme c’est le cas actuellement ».

La plupart des projets de Reut se concentrent sur le littoral, où les eaux usées sont rejetées en mer. Ce disposi­tif est-il adapté aux territoires de l’est de la France ?

E. . : « L’utilisation des eaux usées traitées concerne surtout la proximité des grandes villes, où les stations d’épuration sont situées. La réutilisation en pleine campagne est donc plus difficilement envisageable. Mais il faut également prendre en compte le fait que ce dispositif peut servir dans le cadre du recyclage des eaux des industries agroalimen­taires, qui ont besoin d’eau pour le nettoyage des légumes, ou encore des malteries. Ces eaux sont ensuite remises dans le milieu, alors qu’elles pourraient faire l’objet de projets de réutilisation. Nous travaillons actuellement en amont d’un projet situé vers Dijon (Côte d’Or). Le but serait que l’eau issue du processus de malterie soit refiltrée par les sols et serve à l’irrigation de grandes cultures. Mais cela ne représentera pas des volumes énormes et ne permettra pas de répondre totalement au besoin de la ressource en eau ».

Dans une interview accordée à La France Agricole le 27 avril dernier, le maire de Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier), expliquait que le débit des stations d’épuration situées en zones rurales est bien plus faible que celles installées en ville. Or, l’irrigation nécessite une pression et un débit conséquents. Comment compenser ce problème en zones agricoles, qui sont bien plus souvent rurales que proches des villes ?

E. . : « Cet aspect va effectivement limiter les projets de Reut. Ces projets de réutilisation seront situés à proxi­mité de grandes villes et serviront à des productions agricoles de périphéries, ou proches de sites agroalimentaires avec des volumes d’eau importants. Mais il ne faut pas oublier que la ressource de la réutilisation des eaux usées traitées est disponible toute l’année. Cette pratique peut donc être intéressante pour le maïs, qui a besoin d’eau à une période où nous en disposons le moins. Conditionner l’accès à l’eau à des choix arbitraires est une erreur. La mobilisation de la res­source en eau est indispensable pour la production agricole, l’alimentation et limiter l’import de fruits et légumes de pays comme l’Espagne, qui a été précurseur en termes de stockage d’eau. Même le Maroc, qui est un pays beaucoup plus aride que la France, importe des melons et des fruits en France ».