Fermoscopie 2022
Fermoscopie bilan grandes cultures

Alexandre Coronel, Berty Robert
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Dernier épisode de la série des bilans économiques dressés par CerFrance en Bourgogne-Franche-Comté. Intéressons-nous cette fois-ci aux grandes cultures. Ces systèmes disposent de peu de leviers pour amortir la flambée des facteurs de production, notamment les engrais et le carburant. En 2022 les prix ont permis de dégager des excédents de trésorerie… mais après ?

Fermoscopie bilan grandes cultures
Dans cette estimation, Cerfrance considère qu'en 2023, en fonction des évolutions liées à l'inflation et aux rendements, le prix de revient du blé pourrait connaître une augmentation moyenne de 50 %.

Justine Pasquier, conseillère de gestion CerFrance BFC à Saint-Clément, dans l’Yonne, et experte en grandes cultures sur le nord de ce département a présenté les résultats économiques des exploitations spécialisées pour 2022. À l’échelle de la grande Région, on compte 6 000 exploitations spécialisées en grandes cultures et l’échantillon suivi par Cerfrance est de 850. « Avec en moyenne 1,34 UMO 178 ha de SAU dont 153 ha de Scop. 56 % de ces exploitations sont en société. Ce sont des systèmes structurellement exposés aux risques d’aléas climatiques et économiques, introduit la conseillère : en effet, avec un cycle de production court, peu de stocks, ils disposent de peu d’amortisseurs internes par rapport à la polyculture élevage (autoconsommation des céréales, rétrocession de fumier…) » L’envolée des cours explique une bonne part des bons résultats prévus pour 2022. « On prévoit 26 % de hausse du produit en moyenne, avec des rendements stables (sauf pour les cultures de printemps) et une forte hausse des prix de vente, tandis que les autres produits d’exploitation restent stables. Mais on enregistre déjà 14 % de hausse des charges opérationnelles (sachant qu’elles intègrent des achats d’engrais et de produits phytosanitaires de l’exercice antérieur), et +18 % au niveau des charges de structure. L’EBE s’envole de 26 % ; les amortissements et frais financiers restent stables. En conséquence, le RN progresse de 39 % pour atteindre 107 600 €/UTAF ».

Anticiper le renversement de tendance

La présentation a permis d’envisager l’impact de la hausse des charges et d’une éventuelle sécheresse en 2023. « Alors qu’en blé conventionnel cette année le prix de revient augmente de 10 % pour atteindre 1 270 €/T il était largement couvert par le prix de vente à 1 562 €/T. Si, en 2023, les rendements ne sont pas dans la moyenne olympique, une augmentation des charges de 40 % qui se conjuguerait à un repli du prix de vente de 25 % suffirait à avoir une marge d’orientation négative. » D’où l’intérêt d’anticiper le renversement de tendance, toujours probable dans le domaine très spéculatif des céréales de vente. Toute la question, pour les acteurs du secteur, sera de savoir comment mobiliser au mieux les trésoreries, afin d’anticiper les retournements de tendance. « Après quatre années à marge déficitaire, on a eu deux années à marge d’orientation positive, en moyenne 23 €/ha. 2021 a permis d’apurer la dette des années précédentes, 2022 de faire des réserves pour la suite ». Le témoignage de deux exploitants de l’Yonne, Samuel Legrand et Sébastien Châtelet, au Gaec des Étangs (400 ha de céréales) est venu étayer la réflexion. « Ces deux exploitants, partant du faible potentiel de leurs terres, ont cherché la valorisation avec le label HVE et la diversification (meunerie et vente directe)" explique le conseiller. "On regarde la rotation pour diminuer la dépendance aux intrants. On a stocké des engrais pour se prémunir vis-à-vis de la hausse des cours », précise Samuel Legrand. La diversification de la rotation, bien que susceptible d’augmenter la quantité de travail d’une exploitation, reste un axe de résilience à creuser, tant vis-à-vis des aléas climatiques que des fluctuations des cours. « Encore faut-il avoir un débouché », ont fait remarquer plusieurs participants…

Adapter et amortir

Autre piste à explorer, la recherche d’amortisseurs externes : développer un atelier ovin ou volaille, par exemple, pour pouvoir faire jouer les synergies et les complémentarités. « Enfin, développer une épargne de précaution sera encore plus essentiel dans les années à venir compte tenu des aléas, sans pour autant négliger les investissements, ni oublier l’assurance ! » conclut le conseiller. Au bout du compte, l’intervention de CerFrance sur ce secteur des grandes cultures permettait de définir quelques pistes d’adaptation en conventionnel comme en bio. En conventionnel, il importe de raisonner à la marge, d’adapter les périodes d’achat, et des amortisseurs peuvent se trouver dans le revenu externe, l’épargne de précaution et les assurances. Du côté du bio, les adaptations peuvent se faire sur les aspects agronomiques et dans la recherche d’autonomie accrue du système. Les amortisseurs se situeront plutôt du côté des coûts de production, de recherches d’alternatives et de gestion de la commercialisation.