Pâturage estival
Adapter sa conduite à une pousse d'herbe moins virulente

Alexandre Coronel
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La sécheresse de juin, jusqu’à l’arrivée des pluies plus récemment, a porté un coup d’arrêt à la pousse de l’herbe. La conduite du pâturage s’adapte à ses nouvelles conditions, via le chargement, la durée de séjour, la complémentation…

Adapter sa conduite à une pousse d'herbe moins virulente
L’adaptation des surfaces mises à disposition et du temps de séjour permettent de continuer à valoriser l’herbe sans compromettre la productivité laitière ni les repousses herbagères.

Avec un coût de production de l’ordre de 25 €/TMS, l’herbe pâturée reste une ressource fourragère bon marché qu’il ne faut pas hésiter à exploiter au maximum. Mais en été, l’herbe pousse moins vite et les temps de retour sur les parcelles doivent être allongés, parfois jusqu’à 30 ou 40 jours : il peut être nécessaire d’ouvrir des parcelles supplémentaires préalablement récoltées ou de complémenter en fourrages conservés. « Depuis le début du mois de juin, faute de précipitation, la pousse de l’herbe s’est fortement ralentie, dans toutes les stations de mesure, aussi bien en plaine que sur les plateaux et en montagne », relève Margaux Party, du groupe Herbe Franche-Comté. « Toutefois, certains éleveurs sont parvenus jusqu’à ces derniers jours à conserver une alimentation essentiellement basée sur le pâturage, tandis que d’autres ont basculé sur une distribution de fourrage en complément ».

Revoir le chargement à la baisse

L’exposition plus fréquente au risque de sécheresse précoce interroge sur les adaptations stratégiques à mettre en œuvre. « Le chargement global de l’exploitation, le nombre d’UGB/hectares de surface fourragère, peut être éventuellement revu à la baisse, pour être plus en adéquation avec le potentiel actualisé à la nouvelle donne climatique. Mais il y a aussi des adaptations du mode de conduite pertinentes, pour limiter le gaspillage au printemps et surtout favoriser les repousses dans des parcelles fauchées tôt, avant la sécheresse ». En été, l’herbe pousse moins vite, les temps de retour sur les parcelles doivent être allongés, parfois jusqu’à 30 ou 40 jours ; il peut être nécessaire d’ouvrir des parcelles supplémentaires préalablement récoltées ou de complémenter en fourrages conservés. Inversement, au printemps, il est possible de fermer des parcelles (elles seront alors récoltées). Dans les zones les plus séchantes, il est difficile à partir du mois de juillet de pouvoir fournir ne serait-ce qu’un tiers de ration en herbe. Mais certaines stations ombragées, à sols plus profonds, restent propices au pâturage d’été. La surface disponible pour un pâturage couvrant 7-8 kg de MS devra être de l’ordre de 50 ares/VL, le pâturage de nuit sera à privilégier pour protéger les animaux des fortes chaleurs.

Éviter le surpâturage

En dessous de 4 – 5 kg/MS /jour par vache on peut se poser la question de l’intérêt de sortir les vaches l’été. Sur cette période, attention au surpâturage qui peut être fatal pour la prairie. À cette époque, l’herbe pousse au moins deux fois moins vite qu’au printemps. Le pâturage se fait alors sur les repousses derrière foin (ou fauches précoces) et sur les parcelles pâturées au printemps. Offrir de plus grandes surfaces à la disposition des animaux leur ouvre aussi la possibilité de trier l’herbe qu’ils consomment. Il y aura donc des zones de surpâturage et de sous-pâturage. De plus, sur les parcelles où les animaux ne sont pas, une partie des feuilles vieillit et meurt : l’herbe est jaune. Il y a donc du gaspillage, et l’herbe est moins appétente, donc moins consommée. Pour éviter cela, il est possible de conserver du pâturage tournant, sur le même principe que le printemps. Deux repères sont déterminants : la surface, et le temps de séjour. Avec une surface doublée par rapport au printemps, le chargement sera deux fois moins élevé. Le temps de séjour par paddock reste le même, 7 jours maximum. Ainsi, les animaux reviendront deux fois moins vite qu’au printemps sur chaque paddock : l’herbe aura plus de temps pour repousser.

Pâturer des stocks d'herbe sur pied

En juillet-août la pousse de l’herbe est limitée, parfois inférieure à 10 kg MS/ha /jour voire nulle. En revanche les repousses feuillues de cette saison sont riches. Le pâturage de stocks d’herbe sur pied permet de prolonger la saison de pâturage estivale en retardant de plusieurs semaines en été la distribution de fourrages stockés. L’objectif est ici de réduire le coût alimentaire. Pâturer des stocks d’herbe sur pied, c’est mettre de côté des parcelles qui seront valorisées, toujours au pâturage, lorsque la pousse de l’herbe ralentira au cours de l’été. En été, les légumineuses, sont au pic de production et contribuent fortement à la biomasse et à la valeur alimentaire de la parcelle. Certaines légumineuses conservent une bonne valeur alimentaire plus longtemps que d’autres selon leur stade d’avancement. Ainsi un trèfle blanc, même au stade floraison, a une valeur excellente : proche de 1 UFL. La technique des stocks sur pied peut être mise en œuvre dans la plupart des systèmes fourragers en production de viande et pour le lait dès que l’on dispose de 35 ares d’herbe par UGB. Choisir des parcelles adaptées :

- Des parcelles d’associations riches en légumineuses : 40 à 50 %, pour assurer une bonne valeur alimentaire.

- Un sol profond, qui conserve un bon potentiel de pousse de l’herbe en début d’été.

- Des prairies non infestées de rumex ou chardons, car le temps de repousse important leur serait favorable.

- Des espèces et variétés qui vieillissent bien, comme des graminées non remontantes (attention notamment aux variétés de ray-grass anglais), des fétuques élevées à feuilles souples, des variétés résistantes aux maladies et des légumineuses.

- Pour des animaux à besoins modérés, pour lesquels le fourrage pâturé sera quasiment aussi bon que le foin qui aurait pu en être fait. D’après l’Inrae, des repousses de ray-grass anglais pâturé mi-mai ont encore une qualité acceptable 40 à 60 jours plus tard.

Pour réussir dans cette approche technique, il faut :

- Avoir déjà maîtrisé les épis par la fauche ou par le pâturage sur les parcelles destinées aux stocks sur pied.

- Avoir accumulé suffisamment d’herbe sur les parcelles : au 1er juillet, disposer d’au moins 30 jours d’avance au pâturage, voire 40 jours en zone plus séchante.

- Utiliser un fil avant pour éviter le gaspillage d’herbe du fait des hauteurs d’herbe importantes, souvent supérieures à 15 cm.

- Éviter de dépasser 60 jours de temps de repousse (50 jours en RGA-TB).

- S’adapter à la proportion de trèfle : c’est lui qui maintient la valeur de la prairie. Si le taux est faible (moins de 40 %), exploiter la parcelle plus tôt ou la réserver aux animaux à besoins modérés (génisses, vaches allaitantes ou brebis gestantes par exemple). Apporter des fourrages ou aliments complémentaires aux animaux à plus forts besoins.