FDSEA
« On ne lâchera rien »

Christopher Levé
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L’assemblée générale de la FDSEA de l’Yonne a eu lieu le vendredi 31 mai, à Nitry. Durant ce temps, le syndicat majoritaire agricole est longuement revenu sur les mobilisations de fin 2023 et de ce début d’année, et sur les revendications faites au gouvernement français et à l’Europe. Des mobilisations mises « en pauses », comme l’a rappelé le président de la FDSEA, qui pourraient reprendre si les annonces ne se concrétisent pas rapidement dans les cours de ferme.

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Damien Brayotel, président de la FDSEA de l'Yonne.

Cette année fut riche pour le monde agricole et son syndicat majoritaire, la FNSEA, notamment à travers un mouvement historique déclenché fin 2023. Comme le souligne Damien Brayotel, président de la FDSEA de l’Yonne, lors de l’assemblée générale du syndicat, le 31 mai à Nitry, « ce mouvement est le fruit d’une longue sédimentation d’incompréhensions du terrain, elle-même le fruit de trente années d’errements des politiques publiques en matière de production agricole et alimentaire, sans vision claire et réaliste. Les politiques publiques, françaises comme européennes, au fil du temps, ont oublié le rôle premier de l’agriculture : produire pour nourrir ».
Réglementations, normes, taxes, interdictions, injonctions contradictoires en pagaille… Les agriculteurs ont dit « stop » et leur colère s’est exprimée partout en France. « Une colère qui se veut résolument constructive », souligne le président, « qui doit être entendue comme la volonté du monde agricole de mettre un terme définitif aux politiques publiques sans boussole et sans cap, pour enfin donner aux agriculteurs un cadre stable et de la visibilité. Sans quoi, les grands défis de notre temps, économiques, énergétiques, climatiques, environnementaux, mais aussi sociétaux, et de stabilité démocratique, ne pourront pas être satisfaits ».
Dans l’Yonne, la FDSEA a travaillé sur le volet de la simplification, en établissant un document de 23 pages, en partenariat avec les JA et la Chambre d’agriculture. « Nous sommes toujours force de propositions, c’est ce qui fait notre crédibilité vis-à-vis des pouvoirs publics ».
Au niveau national, la FNSEA a présenté une liste de plus de 120 mesures au gouvernement. 62 ont été rapidement annoncées par le Premier ministre, Gabriel Attal, le 1er février. « Il a cependant fallu attendre le 2 mai pour que le Président de la République confirme enfin les objectifs stratégiques : assurer le renouvellement des générations (indiqué dans avec le PLOA) ; produire pour nourrir, avec les moyens de production nécessaires ; préserver notre souveraineté alimentaire, en se protégeant face aux concurrences déloyales, et en s’adaptant face aux enjeux de transition. Tout cela doit se traduire dans la loi, un processus qui prend beaucoup de temps, trop pour les agriculteurs ».

Une mobilisation seulement mise en pause

Récemment le PLOA a été adopté à l’Assemblée nationale. Celui-ci sera complété par d’autres projets de loi, « sur la simplification, sur la santé des végétaux, autrement dit sur les produits phytosanitaires, sur une énième loi Égalim, et sur le projet de loi de finance en fin d’année », liste Damien Brayotel. « Si des avancées sont constatées, le PLOA nous semble insuffisant, il manque d’ambition en termes de compétitivité, de juste rémunération et de transmission d’exploitation. Pourtant les enjeux majeurs de renouvellement des générations et de souveraineté alimentaire ne seront assurés que si les agriculteurs ont un revenu suffisant. Si nous pouvions entreprendre librement en agriculture avec des prix rémunérateurs, les exploitations pourraient plus facilement se moderniser, s’adapter au changement climatique et seraient plus facilement transmissibles », assure-t-il, en dénonçant, au passage, les retards de paiement des aides à l’installation et à l’investissement par le Conseil régional, ou ceux des MAEC et des aides bios par l’État. « Comment encourager des agriculteurs à souscrire des MAEC ou à poursuivre la bio quand les soutiens financiers tardent à être versés et que les exploitations traversent une crise sans précédent ? On marche sur la tête ! ».
Le président de la FDSEA rappelle que malgré les avancées obtenues (sur la jachère ; l’abandon de la hausse de taxation du GNR et de la redevance sur les produits phytosanitaires ; le plan Écophyto mis en pause et adapté avec inscription du principe « pas d’interdiction sans solution » ; le stockage de l’eau, avec des objectifs au niveau national ; le rôle de l’ANSES revu pour se coordonner avec l’agence européenne et éviter les sur transpositions ; la réduction des délais de recours contre les projets agricoles ; l’introduction d’un droit à l’erreur), le syndicat sera vigilant et déterminé à poursuivre le travail sur chaque projet de loi à venir. « Notre mobilisation a été mise en pause il y a quelques semaines, mais pourrait reprendre si les annonces ne se concrétisent pas rapidement dans les cours de ferme. On ne lâchera rien ».

Simplifier des règles européennes trop complexes

Cette année, le thème de l’assemblée générale porté sur l’Europe, à quelques jours des élections européennes (du 6 au 9 juin ; elles ont lieu le dimanche 9 juin en France), avec cette interrogation : Europe, veux-tu encore de tes agriculteurs ? (lire par ailleurs). Damien Brayotel l’assure, « au-delà de ces élections, nous devrons continuer à peser dans les discussions sur la PAC, pour changer de logiciel. L’Union Européenne doit aussi prendre acte du nouveau contexte géopolitique, en faisant de la souveraineté agricole et alimentaire, un enjeu stratégique et une ambition claire pour les prochaines années. Cela passe par le développement de sa capacité à produire, et donc à nourrir ses citoyens. Il faut concrètement se doter des moyens de production adéquats et assurer la rémunération des producteurs. Il faut également simplifier des règles trop complexes, se protéger des importations qui ne respectent pas nos normes, améliorer la gestion des risques et bien sûr avoir un budget à la hauteur des ambitions ».

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Une centaine de personnes étaient présentes à l'assemblée générale de la FDSEA.
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Christophe Bondoux, membre du bureau de la FDSEA, a animé la table ronde avec Alessandra Kirsch et Anne Sander (de gauche à droite).

« Europe, veux-tu encore de tes agriculteurs ? 

C’était le thème de cette assemblée générale. Pour y répondre, Alessandra Kirsch, directrice d’Agriculture Stratégies est intervenue pour parler des institutions européennes, de l’articulation qu’elles peuvent avoir ainsi que leurs conséquences sur le quotidien des agriculteurs. Cela a été suivi d’une table ronde en la présence d’Anne Sander, députée européenne (LR).
Pourquoi le sujet de l’Europe ? Si la FNSEA et les JA ont porté leurs revendications au plus haut sommet de l’État, ils se sont aussi adressés à l’Europe, « que l’on trouve souvent trop rigide, trop éloignée de nos préoccupations, avec des réglementations écrites dans des bureaux », répond Damien Brayotel. « Nous, agriculteurs, on sait qu’une exploitation agricole ne se gère pas à partir d’un tableau Excel. Notre action a permis d’assouplir quelques règles de la PAC notamment concernant la conditionnalité des jachères et les BCAE. Avec la nouvelle mandature, on veut aller plus loin. Les crises successives, dont la guerre en Ukraine, ont mis en évidence les fragilités de l’Europe, ses dépendances aux importations, mais aussi l’importance de notre agriculture et la nécessité de reconquérir notre souveraineté agricole et alimentaire. Souverainetés qui peuvent nous paraître incompatibles avec un Green Deal qui a été écrit il y a quelques années, dans un autre contexte, qui entraînerait une baisse de la production et qui ne répond donc pas aux enjeux actuels. C’est donc dans ce contexte, et à l’approche des élections européennes, que nous nous sommes interrogés sur la place de l’agriculture en Europe ».

L'agrivoltaïsme, on en est où ?

Durant les discours, Arnaud Delestre, président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne, a notamment fait un point sur l’agrivoltaïsme devant l’assemblée. « On avait pris ensemble un positionnement professionnel en novembre 2019, qui a porté ses fruits. Depuis, la loi APER a été votée et les décrets que nous attendions sont sortis. Cela nous impose deux choses au niveau du département : de se mettre en conformité sur un document cadre qui va planifier, sur une cartographie, les terres incultes où pourront être installés des panneaux photovoltaïques au sol ; et une doctrine professionnelle adaptée qui sera partagée par l’ensemble des agriculteurs et de l’administration pour fixer les règles de l’agrivoltaïsme, une notion enfin définie mais dont les propos doivent être précis ».