Conditions météo
L'apiculture impactée

Chloé Monget
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Outre l’élevage, les grandes cultures ou encore le maraîchage, les conditions climatiques de ces dernières semaines influent également sur l’apiculture.

L'apiculture impactée
Nicolas Boin, apiculteur et associé de Bee'rettes (18) autour des ruchers à la Charité-sur-Loire le 10 mai. Crédit photo : les Bee'rettes (18).

Dans la Nièvre, le cumul des précipitations est supérieur à la normale depuis mi-mars environ (1), engendrant des problématiques de maladies pour les grandes cultures ou encore de mise à l’herbe retardée pour certains en élevage. D’autres secteurs agricoles sont également impactés comme le maraîchage mais aussi l’apiculture.

Pour comprendre les enjeux sur ce dernier point, Jérôme Seguin (La reine des miels à Suilly-la-Tour) détaille : « Même si je n’ai pas énormément de recul, car je suis installé depuis peu, je n’ai jamais connu de telles conditions climatiques. Pour l’exemple, durant le mois d’avril, les abeilles ont travaillé 5 jours. Avec cet enfermement, elles sont obligées de consommer le miel en stock dans la ruche ; divisant ma production par quatre. Pour la récolte de miel d’acacia, je ne suis même pas sûr de la réaliser au vu des volumes. Je pense laisser le miel aux abeilles afin qu’elles puissent avoir de la nourriture, car je ne veux pas qu’elles meurent de faim ». Outre la production, il évoque un autre malaise : « Leur comportement a été impacté par l’intermittence entre les moments pluvieux et froids puis ceux ensoleillés avec des températures clémentes. Ces changements rapides et drastiques, leur font perdre pied. Normalement une ruche explose d’activité au printemps, c’est LE moment clé dans le développement d’une colonie. Mais là, elles ne savent pas quoi faire : sortir ou se préserver. En somme, cette année, nous partons clairement avec une pierre dans la chaussure pour la saison ». Pour son activité, il revient également sur les difficultés logistiques engendrées par les conditions météorologiques : « Lors de la transhumance, je me suis embourbé plusieurs fois… rallongeant le temps de travail et rendant ce dernier nettement moins agréable. Un problème rencontré aussi par nos collègues de Bee’rettes (18) autour de ruchers à la Charité-sur-Loire ».

Gelée et commercialisation

De son côté, Fanny Cadoux, apicultrice spécialisée en gelée royale (Suilly-la-Tour), vit une situation différente : « Cela ne se passe pas si mal. Comme elles sont coincées dans la ruche, elles sont en parfaite condition pour l’essaimage. La production est donc plutôt assurée ; même s’il faut garder certaines réserves ». Question commercialisation, Jérôme Seguin pointe : « même si 2024 est compliquée, je pense qu’il nous fallait une mauvaise année afin de relever les cours du miel Français. Il faut juste espérer que l’importation de miel étranger ne casse pas cette dynamique ». Fanny complète pour la gelée royale : « Je ne suis pas sûre que nous aurons une hausse des cours pour la gelée royale car nous avons toujours la problématique de l’importation de gelée royale asiatique. En somme 2024 ne sera pas une année singulière à ce niveau-là pour moi ».

Chez les particuliers

Si les professionnels sont impactés, les apiculteurs particuliers le sont eux aussi comme le rappelle Édward Lysiak, président du Syndicat d’Apiculture Nivernais-Morvan, : « Nous regroupons 400 adhérents, ce qui représente environ 4 000 ruchers disposés dans tout le département de la Nièvre. Nous nous réunissons, tous les 15 jours pour les formations et pour échanger. Cette année, le constat est identique : la production est divisée par 10. Ceux qui produisent habituellement 50 kg de miel de colza sont actuellement à 4 -5 kg. D'autres, ont fait le choix de ne pas récolter afin de laisser le miel aux abeilles pour qu’elles se nourrissent ». En cause pour lui l’humidité ambiante : « Des adhérents ont déjà retrouvé dans leurs ruches des couleuvres ou encore des lézards, mais des escargots… c’est inédit ! ». Xavier Rouby, président du groupement de défense sanitaire apicole de la Nièvre (GDSA 58), rebondit : « je suis au GDSA 58 depuis environ 40 ans, et nous n’avons jamais constaté de telles conditions climatiques avec des passages pluvieux très longs et tôt en saison. Nous relevons dès à présent des conséquences, avec une quantité et une qualité de pollen moindre comparé aux années précédentes. Ce manque de nourriture provoque notamment l’arrêt de ponte pour certains cheptels – ce qui engendrera potentiellement des ruches orphelines à l’automne. L’humidité est aussi propice à l’émergence de maladies dans les colonies… Les abeilles seront préservées par l’engagement de tous les apiculteurs – particuliers et professionnels – à maintenir et entretenir leurs colonies. Sans l’élevage, les abeilles n’ont malheureusement pas un avenir radieux ». Il poursuit et conclut : « Si ces éléments sont préoccupants pour les abeilles, je pose aussi la question : qu’adviendra-t-il des pollinisateurs sauvages ? Car eux aussi subissent ces conditions, mais à l’inverse des abeilles personne ne s’occupe d’eux… et pourtant ils sont un des piliers de notre équilibre naturel ».

1. https://www.infoclimat.fr/climato/indicateur_national_RR.php