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Les données agricoles, un trésor convoité

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En posant cette question lors d’une récente séance de travail, l’Académie d’Agriculture entendait attirer l’attention sur un sujet dont l’importance stratégique reste encore largement sous-estimée par les agriculteurs.

Les données agricoles, un trésor convoité
Comme dans l'ensemble des secteurs économiques, la valeur que représentent les données agricoles est désormais incontournable. (Crédit Dataagricole)

« Nous avons voulu faire le point sur le statut, la protection ou le consentement à l’utilisation par des tiers de ces données professionnelles collectées directement à la source […] mais également par les enregistrements de pratiques devenus obligatoires dans tous les domaines sur des interfaces en ligne », ont expliqué en introduction les académiciens Guy Waksman et Marie-Françoise Brizard-Pascquet, animateurs de cet après-midi de travail. « L’enjeu central pour le monde agricole est sa capacité à s’organiser pour conserver la maîtrise des données et profiter de leur valorisation et ainsi d’éviter la plateformisation par des acteurs privés en mettant en place une organisation collective », a expliqué Guillaume Joyau, secrétaire général de Numagri. L’association créée il y a deux ans a pour vocation d’œuvrer à la fluidité des données agricoles, à la standardisation des langages et à l’interopérabilité entre les systèmes en partenariat avec Agdatahub et GS1 France.

Large mobilisation sur le sujet

« La prise de conscience des organisations et des institutions est croissante », a-t-il estimé, évoquant notamment le label Data Agri, un outil mis en place par le syndicalisme pour valoriser et sécuriser les données agricoles ou encore la feuille de route Agriculture et Numérique présentée par le ministère de l’Agriculture au moment du Salon de l’Agriculture. Les autorités européennes sont également mobilisées sur le sujet. Après l’entrée en vigueur du règlement sur la protection des données (RGPD) en 2018, la Commission a engagé en 2020 l’adoption de l’acte sur la gouvernance des données (Data Governance Act), qui vise à promouvoir la disponibilité des données et à créer un environnement fiable pour faciliter leur utilisation à des fins de recherche et de création de nouveaux services et produits innovants. En matière réglementaire, le « Data Governance Act » consacre le rôle des intermédiaires neutres en matière d’échange de données, jugés nécessaires pour créer de la confiance. Pour illustrer les tenants et aboutissants de ce principe des tiers de confiance, Laurent Journaux, directeur de France Génétique Élevage (FGE), a présenté un cas pratique d’application dans le cadre de la génétique d’élevage. Ce secteur, familier de longue date de la collecte des données, entend intégrer les principes de conformité du futur acte avant même l’entrée en vigueur du cadre réglementaire. Le tout avec l’appui d’Agdatahub, l’opérateur institutionnel souhaité par l’État et les organisations professionnelles en tant qu’opérateur de plateforme de consentement et d’échange de données. « La circulation des données que nous avons mise en place s’appuie sur des règles collectives d’échange de données conformes aux principes de Data Agri et décidées au niveau interprofessionnel au sein de FGE », a expliqué Sébastien Picardat, le directeur général d’Agdatahub.

L’exemple du génotypage

Ces règles sont ensuite intégrées dans la relation quotidienne des 85 000 éleveurs avec les 200 acteurs avec lesquels ils échangent ces données. « L’application de ces règles collectives et individuelles entre éleveurs et acteurs de la filière se traduit par la gestion du consentement obligatoire des éleveurs avant tout échange de données, et la visibilité de ces consentements sur un portail dédié et gratuit (Agriconsent) pour les éleveurs », poursuit Sébastien Picardat. Quatre systèmes d’information sont concernés : ceux des bovins, ovins lait, ovins viande et caprins, a indiqué Laurent Journaux, ce qui représente des volumes de données considérables. « Chaque année, nous intégrons 8 millions d’animaux et 40 millions de performances hors génotypage », a-t-il expliqué. « Alors qu’une fois entrées dans le système, les informations circulaient ensuite librement, la nouvelle procédure s’appuie sur un dispositif d’échange de données qui « embarque » la vérification du consentement donnée par l’éleveur entre le point de départ et le point d’arrivée », détaille Sébastien Picardat. « Dans ce dispositif, la technologie est au service des usages », a insisté Laurent Journaux, de FGE. Ceux-ci sont nombreux, du calcul de valeur génétique des animaux au conseil pour la conduite et la reproduction, en passant par la certification des origines. Interrogé sur le risque du refus d’un certain nombre d’éleveurs d’accorder leur consentement, Laurent Journaux a estimé qu’il n’y avait pas de raison de le craindre « si l’on expliquait bien l’usage des données ». « La pérennité de notre système passe par l’établissement de la confiance », a-t-il expliqué. Le nouveau système de gestion de consentement est opérationnel depuis ce mois d’avril. Il sera entièrement déployé d’ici 2024 ou 2025.