Unité de méthanisation d'Échevannes
Quel bilan, après 18 mois d'utilisation ?

AG
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Le méthaniseur d'Échevannes, propriété de Matthieu Besançon et Jérémie Fischer, a fait l'objet d'une journée découverte le 30 novembre. L'occasion de faire le point avec ces deux agriculteurs.

Quel bilan, après 18 mois d'utilisation ?
Jérémie Fischer et Matthieu Besançon, à l'entrée de leur site de production.

La Chambre d’agriculture de Côte-d’Or et GRDF organisaient une journée découverte de la méthanisation la semaine dernière à Échevannes, entre Selongey et Is-sur-Tille. Une soixantaine de personnes – majoritairement des agriculteurs – avaient fait le déplacement pour découvrir le méthaniseur de Matthieu Besançon et Jérémie Fischer. « L’idée était de faire la présentation du site et de répondre à toutes les questions autour de la méthanisation. Les interrogations sont particulièrement nombreuses dans ce domaine », relève Sylvie Lemaire, en charge des dossiers énergie à la Chambre d’agriculture. La conseillère informe qu’un second rendez-vous sera proposé sur ce même site le 24 janvier : « nous ne pouvions malheureusement pas accueillir tout le monde aujourd’hui, ce sera l’occasion d’y remédier. Une autre rencontre est aussi programmée sur un site de production à Ciel, en Saône-et-Loire, le 14 décembre. Les agriculteurs du sud Côte-d’Or sont également les bienvenus ».

Très positif, mais

Matthieu Besançon et Jérémie Fischer gèrent une unité de méthanisation injection d’une puissance de 130 Nm3/h, opérationnelle depuis le début de l’été 2021. Cette production correspond à la consommation en gaz d’environ 2 500 logements neufs. Le bilan dressé par ces deux jeunes agriculteurs est « très positif » depuis le lancement de l’activité, avec toutefois quelques « bémols » plus ou moins importants. Débutons par le côté négatif (dans l’idée de terminer par le positif !). Le premier élément venant à l’esprit de Jérémie Fischer concerne l’électricité : « Notre unité en consomme beaucoup et la hausse actuelle des tarifs nous interroge. Certes, nous avons signé un contrat qui nous garantit un prix fixe, mais fin 2024, il y aura une actualisation de ces tarifs. Si ces derniers restent les mêmes qu’aujourd’hui, notre facture d’électricité sera multipliée par quatre et là, ça pourra plus passer… ». « Nous avons deux ans pour contrer l’inévitable augmentation de notre contrat d’achat », souligne Matthieu Besançon, « cette hausse sera compensée par l’autoconsommation photovoltaïque, nous allons effectivement installer des panneaux d’ici deux ou trois mois. Nous misons également sur la revalorisation du coefficient L, qui fait varier le tarif d’achat du biométhane selon les cours de l’énergie. Et éventuellement, nous étudions l’idée d’avoir une petite cogénération sur notre site pour autoproduire notre électricité ». Qu’en est-il de la rentabilité actuelle de l’unité ? « Les chiffres sont conformes au prévisionnel », répond Matthieu Besançon, « le chiffre d’affaires est même supérieur mais les charges sont également plus élevées en raison du contexte mondial ». Plusieurs postes sont impactés, comme l’indique Jérémie Fischer : « le prix des carburants a notamment gonflé la facture de nos ensilages. Le coût des pièces que nous devons régulièrement changer comme les couteaux de broyeurs, les pompes ou encore les rotors ont tous pris 30 %… Cela a forcément des conséquences ».

Évolution de la réglementation

Matthieu Besançon évoque ensuite a partie « réglementaire » : « à l’image de l’agriculture, la méthanisation n’est pas un long fleuve tranquille ! Nous ne sommes déjà plus aux normes, alors que notre unité est en route depuis seulement dix-huit mois. On nous impose déjà de réinvestir dans des sommes très importantes, probablement plus de 100 000 euros, pour réaliser un nouveau terrassement et une nouvelle zone étanche… Nos canalisations sont enterrées dans une zone qui désormais doit devenir une zone étanche, donc c’est compliqué techniquement et économiquement de s’adapter aux caprices de l’État… Heureusement, nous avons dix ans devant nous. Tous les deux ans, nous devrons tout de même prouver que le chantier est bien avancé ». Jérémie Fischer ajoute une autre évolution de la réglementation : « à partir de 2025, nous devrons réaliser des mesures de carbone de nos différentes terres, sans doute pour évaluer les futurs produits incorporés dans notre digesteur. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres ».

À part ça, tout va bien !

Il est souvent plus facile de dire ce qu’il ne va pas que l’inverse. La méthanisation d’Échevannes reste une pleine réussite pour ces deux agriculteurs qui disposent d’une nouvelle source de revenus et qui travaillent avec un groupe de producteurs de seigle très investis et très qualitatif. Le projet est aussi très bien accepté sur le territoire. Depuis le début du conflit russo-ukrainien, la production a été augmentée de près de 15 %. Le prix du rachat du gaz est stable pour la partie en contrat, mais le « surplus » de production est quant à lui variable. Les tarifs ont malgré tout été décevants ces dernières semaines avec la prolongation du temps estival. La demande et les tarifs devraient logiquement repartir à la hausse avec l’arrivée définitive de l’hiver. Une des plus grandes satisfactions des deux gérants du site est sans aucun doute à mettre à l’actif du digestat, utilisé dans leurs champs depuis février 2022 : ce produit homogène issu de la méthanisation est composé d’éléments fertilisants de choix. Pour un amendement de très grande qualité pour les deux intéressés… « Dans le contexte, c’est forcément très intéressant. L’intégration des Cives dans nos systèmes nous a aussi permis de diversifier nos rotations. Nous pouvons déjà peut voir l’effet de la fauche du mois de mai qui réduit les adventices », confient Matthieu Besançon et Jérémie Fischer.

 

En stand-by

Sylvie Lemaire fait état d’un contexte peu favorable à l’émergence de nouveaux projets. « En l’état actuel des choses, les indicateurs ne sont pas vraiment au vert. Suite à la flambée des matériaux, les investissements nécessaires sont en forte hausse, alors que leur montant initial était déjà important, voire très important. Il est difficile de chiffrer précisément cette augmentation, mais la facture totale doit avoir grimpé de 25 voire 30 %. Les charges de fonctionnement ont aussi une tendance très haussière. Pour le type d’équipement que nous visitons aujourd’hui, la consommation en électricité est très importante. Les charges augmentent d’au moins 30 ou 40 %, ce qui a une conséquence directe sur l’EBE. Les agriculteurs recherchent des solutions, comme installer des panneaux solaires pour l’autoconsommation. L’installation d’un moteur de cogénération, en parallèle de la valorisation du gaz, est une autre piste pour alléger les charges. Rien n’est toutefois évident… Avec le temps, nous devrions sans doute retrouver une certaine rentabilité dans les projets, mais ce n’est peut-être pas encore pour maintenant. C’est la raison pour laquelle nous observons un certain stand-by dans le département. À noter tout de même l’émergence de plus petits projets en cogénération sur notre territoire, notamment dans des fermes laitières, avec des investissements moins importants ».

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Une nouvelle visite sera proposée le 24 janvier à Échevannes. Avis aux amateurs !