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Collecte et tri de déchets avec un attelage

L'exploitant agricole de Saône-et-Loire
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Voilà une prestation qui conjugue service public, préservation de l’environnement et mission sociale : la collecte hippomobile mise en place dans le Couchois, en Saône-et-Loire. Tri’O’Trot réalise deux collectes de déchets à recycler chaque semaine. Rencontre avec cet attelage atypique au rythme des chevaux.

Collecte et tri de déchets avec un attelage
Conçue sur mesure, la voiture est équipée d’un panneau solaire alimentant gyrophare, phare, clignotant et vérin de la benne. Il aura fallu plus de trois ans pour mettre en place cette prestation de collecte hippomobile.

Un matin d’octobre 2021, les habitants de Chagny, en Saône-et-Loire, ont entendu débarquer un drôle d’équipage chargé de collecter les déchets destinés au recyclage. Il s’agissait de Magali Rouch-Paulin et Jacques Charton avec leurs percherons, accompagnés des ripeurs habituellement chargés de cette tournée. Personne n’avait été informé en amont : « nous avons poussé ce projet en sous-marin, d’une part, parce qu’il a été très long à monter et d’autre part, parce que nous ne voulions pas que cela change les habitudes des gens. Il fallait que notre arrivée soit sans contrainte pour eux », présente Magali. Depuis, seuls les horaires ont parfois dû être modifiés. Pour remonter la genèse du projet, il y a Magali et Jacques, cochers de formation, qui, en plus, de leurs prestations pour les mariages et les fêtes, croyaient dur comme fer dans la pertinence d’une collecte de déchets à cheval.

Convaincre, concevoir, financer

Lorsqu’ils se sont installés dans le Couchois en 2018, ils ont véritablement commencé les démarches. Non sans quelques déconvenues : « j’ignorais que derrière le Sirtom (Syndicat intercommunal pour le ramassage et le traitement des ordures ménagères de la région de Chagny) il y avait 58 maires à convaincre ! ». Ensuite, il a fallu trouver la benne de ramassage adéquate mais comme elle n’existait pas… on a dû l’inventer ! « C’est au cours d’un repas dans une pizzeria que nous avons rencontré par hasard Benoit Proby, métallier de profession », relate la cochère. D’après un cahier des charges très exigeant, cet ancien ingénieur a créé la benne alliant stabilité, grande capacité, fonctionnalité, le tout avec un poids de moins de 900 kg. « Nous devions prendre en compte que nous sommes en milieu rural, donc avec beaucoup de dénivelés et de longues distances à parcourir », rappelle Magali. L’attelage est hyper maniable : « on peut faire demi-tour sur place, complète Jacques, et même faire des marches arrières et des créneaux très précis avec la paire de percherons blancs ». Enfin, il a fallu trouver les moyens de financer les 55 000 € d’investissement (voiture et harnais). « Nous avons pu être financés à hauteur de 80 % et faire un prêt pour les 20 % restants. En septembre prochain, nous pourrons nous sortir nos premiers salaires sur cette prestation », explique le couple.

Sympathie capitale !

Au-delà du ramassage de déchets sans émission de CO2, Magali insiste, non sans une pointe d’émotion, sur un élément qu’elle avait sous-estimé : « lorsque je présentais le dossier, j’insistais toujours sur le capital sympathie du cheval, mais je ne m’attendais pas que ce soit à ce point ! ». Il suffit de passer une heure avec l’attelage, pour constater que, régulièrement, les habitants de Saint-Sernin-du-Plain y vont de leur signe de la main, de leur caresse, de leur bonjour et de leur sourire, d’un échange sur le temps qu’il fait ou sur la forme des chevaux. « À la fin de la toute première tournée, l’un des ripeurs professionnels qui nous accompagnait a pleuré : eux se font souvent insulter ! » Le cheval est prétexte à la conversation : « nous sommes la dernière génération où des grands-parents peuvent expliquer à leurs petits-enfants qu’ils ont eux aussi connu le travail à cheval quand ils avaient leur âge ». Les mauvais souvenirs que cela peut représenter pour certains font place à une nostalgie bienveillante envers l’équipage de Tri’O’Trot. Ce qui ressort par ailleurs, c’est que ce capital sympathie du cheval « améliore la quantité des déchets recyclés et la qualité du recyclage ». Actuellement, la collecte hippomobile est engagée sur 75 jours de tournée pour sa première année. Magali et Jacques espèrent que d’autres tournées et des collectes plus ponctuelles de cartons ou des sapins vont pouvoir être mises en place. En tout cas, la demande est là, l’envie aussi, et les quatre magnifiques percherons affûtés pour.

Le couple ne cache pas qu’il a dû faire face à la réticence de certains. Projet perçu comme farfelu, pour beaucoup il n’y avait aucun gain de temps ni d’argent. Or il s’avère que les chevaux passent au même endroit que le camion, dans le même timing. Pendant que l’attelage parcourt un bout de campagne, le camion du Sirtom procède à une tournée en parallèle. Un point et une heure de rendez-vous sont fixés pour que l’attelage puisse transférer ses sacs dans le camion équipé d’une benne compactrice.