Pacte d'orientation agricole
Le ministre Marc Fesneau détaille les grandes lignes

JCD
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Réconciliation entre agriculture et société, renouvellement des générations et transition écologique, reconception des systèmes de production  : le ministre de l’Agriculture a présenté un « pacte » d’orientation, fruit de six mois de concertation.

Le ministre Marc Fesneau détaille les grandes lignes
Marc Fesneau a dévoilé les axes d'un pacte d'orientation agricole qui va tenter de concilier des impératifs environnementaux, économiques et générationnels.

« Il nous faut aujourd’hui relever deux défis urgents […] : le défi démographique et le défi climatique », a déclaré Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, en présentant en décembre, en Normandie, un Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture. Entre un tiers et la moitié des agriculteurs vont partir à la retraite d’ici 10 ans. Ils doivent aussi continuer à produire en quantité et en qualité suffisantes sous les nouvelles contraintes climatiques tout en participant aux transitions écologiques. Pour répondre à ces défis, le ministre a dévoilé un « pacte », promesse d’Emmanuel Macron faite en septembre 2022 au cours de la fête nationale des Jeunes agriculteurs, les Terres de Jim, qui se tenait dans le Loiret, et résultat d’une concertation lancée il y a un an. Pacte qui se déclinera en un projet de loi d’orientation, censé être examiné au Parlement mi-février ou début mars. Le premier axe vise à réconcilier l’agriculture et la société, en facilitant par exemple la découverte des métiers du vivant via des visites de fermes par des écoliers ou des stages de collégiens et lycéens. Le gouvernement souhaite renforcer la confiance des consommateurs dans l’alimentation, en augmentant de 80 % le nombre d’inspections de sécurité sanitaire, grâce à 190 effectifs supplémentaires et une dotation de 38 millions d’euros.

Des conseillers formés aux transitions

Le deuxième axe veut « faire émerger une nouvelle génération d’agriculteurs à l’avant-garde des transitions écologiques ». Marc Fesneau a annoncé un « choc de compétences » pour former en trois ans les 50 000 professionnels au contact des agriculteurs, afin qu’ils disposent « des compétences de pointe en matière de transitions agroécologiques ». Ce programme national de formation accélérée aux transitions agroécologique et climatique doit être lancé à la rentrée 2025. L’axe prévoit aussi l’intervention dans l’enseignement agricole d’experts afin d’accélérer la diffusion des connaissances en matière de transitions agroécologique. À terme, 1 000 experts associés dans des domaines clés comme l’hydraulique, la robotique agricole, les agroéquipements, interviendront en soutien des enseignants et formateurs. « Pour parler des transitions, on mobilisera bien sûr tous les experts du sujet, et donc les premiers d’entre eux que sont les agriculteurs », a précisé le ministre. L’axe prévoit la création en 2025 d’un Bachelor Agro, diplôme Bac + 3. Autre mesure, l’intégration systématique des métiers du vivant dans la liste des métiers en tension.

Les sols inclus dans un diagnostic d’exploitation

Le troisième axe « a vocation à reconcevoir les systèmes de production à l’échelle des exploitations ». Tous les porteurs de projets d’installation ou transmission devront faire appel à des guichets uniques, mis en place dans chaque département. Le bénéfice de certaines aides de l’État (défiscalisation notamment) et des Régions pourra être conditionné au passage par ce nouveau réseau, baptisé France Services agriculture. Une autre mesure phare est l’instauration d’un diagnostic d’exploitation au regard notamment du changement climatique. Prévu « au plus tard en 2026 », il interviendra en amont de la transmission puis à l’installation et tout au long de la vie. Ce diagnostic comprendra une évaluation de la qualité et la santé des sols. L’axe inclut le déploiement dès 2024 d’un fonds de garantie devant faciliter l’octroi de 2 milliards d’euros de prêts, déjà annoncé. Tout comme le fonds Entrepreneurs du vivant, doté de 400 millions d’euros, qui concerne le portage de capitaux et de foncier. L’axe prévoit de renforcer le service de remplacement, pour permettre de se former notamment aux transitions écologiques et climatiques et aussi de bénéficier pleinement des droits sociaux (congé maladie, maternité/paternité, formation). Enfin, il s’agit de favoriser les pratiques agroécologiques et le maintien en bio par les règles de priorité relatives au contrôle des structures dans le cadre des Schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (SDREA).

Sécurisation des projets de stockage d’eau

Le quatrième axe du pacte vise à reconcevoir les systèmes de production mais cette fois-ci à l’échelle des filières et des territoires. Le ministère souhaite, par exemple, faciliter des projets de bâtiments d’élevage ou de stockage de l’eau en accélérant le traitement des éventuels contentieux, via une « présomption d’urgence » et la suppression d’un niveau de juridiction administrative. L’axe prévoit un fonds - de 180 millions d’euros en 2024 puis 200 millions d’euros en 2025 et 2026 - pour accompagner la restructuration d’une filière devant se transformer face au changement climatique. Il s’agit par ailleurs d’amplifier l’effort de recherche, d’innovation et de transfert pour massifier les outils d’innovation et leur déploiement sur le terrain, avec en 2024 un relèvement du plafond du Compte d’affectation spéciale développement agricole et rural (Casdar) à hauteur de 20 millions d’euros.

Foncier : des travaux, mais pas de « grand soir »

Inclus dans le Pacte d’orientation, le thème du foncier n’a toutefois rien du « grand soir ». « Ce qui est attendu, ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’un "grand soir" du foncier, comme j’ai pu l’entendre », a déclaré Marc Fesneau, opposé à une réforme du statut du fermage. Des travaux sont inscrits dans l’axe du Pacte qui vise à « reconcevoir les systèmes de production à l’échelle des exploitations ». Il prévoit la mise en place d’« une clause contractuelle type, notamment dans le cadre du bail à ferme, afin d’assurer un partage des bénéfices de l’installation électrique, notamment pour l’agrivoltaïsme, entre le propriétaire du foncier et l’exploitant, qui pourrait être par exemple une rémunération de ce dernier indexée sur le prix de l’électricité », a détaillé le ministre. Un autre chantier sera mené avec les Safer afin qu’elles puissent « allonger progressivement la durée du stockage effective des terres agricoles, pour mieux cibler leurs actions en appui au renouvellement des générations, ce qui s’accompagnera d’une évolution à conduire de leur gouvernance ».