Tournesol
Ça ira, ça ira, ça ira... mais peut-être pas
Pour Cyril Cherreau, exploitant à la Petite Brosse (Donzy), la récolte des tournesols est terminée, faisant presque exception dans son secteur. Il revient sur cette culture et va plus loin dans son analyse d'une situation « atypique ».
La récolte des tournesols s'est déroulée du 18 au 20 septembre chez Cyril Cherreau, exploitant céréalier à la Petite Brosse (Donzy). Ses deux variétés (Iddilic et LG 50 475) ont été semées le 11 avril, dans deux parcelles de 40 ha au total. « Dans mon secteur géographique, nous sommes très peu nombreux à avoir terminé la récolte des tournesols… Ce qui n'est vraiment pas normal » précise Cyril Cherreau, exploitant céréalier à la Petite Brosse (Donzy).
Au final…
Plus en détail il revient sur sa récolte : « j'ai réalisé un désherbage au semis, un engrais de 50 unités d'azote, 50 unités de phosphore et 15 unités de potasse. J'ai choisi ces deux variétés précoces pour la région afin de semer un blé début octobre. Pour ce dernier, nous verrons si cela est réalisable car pour le moment la météo ne nous permet pas de préparer la terre, et encore moins d'implanter quoi que ce soit ». Pour revenir sur les tournesols, il rappelle : « Malgré la pluie de l'été, je ne déplore pas de problème sanitaire à grande échelle sur cette culture. Cela étant, je n'ai pas pu faire de binage car les sols étaient trop frais. In fine, j'ai fait 37 quintaux pour l'Iddilic et 33 pour le LG. Habituellement, je suis aux alentours de 28 à 30 quintaux, donc je ne vais pas me plaindre sur ce point. Le problème, c'est qu'il s'agit de la meilleure marge de l'exploitation ». En effet, il annonce un prix du produit final à 1 500 euros, pour des charges s'élevant à 900 euros, offrant une marge de 600 euros : « pour le blé, je suis encore dans les clous avec environ 200 euros de marge nette En revanche, où cela blesse c'est pour les colzas, car je suis en dessous des 30 quintaux, pour le trèfle incarnat (récolté le 24 juin), je suis à 600 kg contre 1,2 t. habituellement… et pour la luzerne en porte-graines, je ne vais pas la récolter car certaines fleurs ont coulé sous la pluie et le reste a grêlé ».
Curseur d'égarement
Pour lui, cela n'est que l'expression d'un problème plus grand : « Nous sommes encore dans une année atypique difficile à gérer ». Et insiste : « ce n'est pas la première fois que la situation est compliquée, et c'est d'ailleurs pour cela que j'ai ajusté mes choix de cultures en optant pour le trèfle et la luzerne, en remplacement du colza qui n'est plus adapté et surtout que nous ne pouvons plus protéger contre certaines altises. On essaye de trouver des solutions en choisissant des cultures diversifiées mais c'est un marché de niche, et des cultures qui demandent du matériel particulier. Et, au vu des fenêtres de travail très courtes que nous avons, nous ne pouvons nous permettre de partager le matériel malheureusement. Alors oui, il peut être dit que nous sommes suréquipés, mais on ne peut pas se permettre de ne pas avoir la machine disponible au bon moment. Et comme cela ne suffisait pas nous sommes en zone intermédiaire, donc limités en rendements, et en zone vulnérable, donc on ne peut pas tout faire… avec un sol très hétérogène entre des calcaires très superficiels et des limons profonds, on accumule les problématiques pour être complètement perdus ! On ne sait jamais quoi ou quand implanter car aujourd'hui nous sommes dans tous les extrêmes, c'est une catastrophe, et cela ne va pas en s'arrangeant ».
Des solutions ?
Malgré ce contexte singulier, qui finalement tend à devenir une norme, il évoque une solution : « je demande simplement d'avoir des prévisions météorologiques fiables sur deux ou trois jours ». Utilisateur d'une station connectée, il explique s'en servir en temps réel : « pour traiter notamment, mais pour prévoir, on oublie… car cela change de minute en minute ». À cause de cette situation, il pointe une difficulté : « on ne peut rien anticiper, on ne fait que subir ». Légèrement désabusé, il ne baisse pourtant pas les bras : « je cherche à trouver des solutions, à me diversifier, mais la question est : vers quoi ? ». Pour lui, aujourd'hui l'écotourisme n'est pas la solution : « la périphérie de Donzy est un site touristique en devenir, donc on doit trouver d'autres leviers ». Parmi eux, il pointe les nouvelles cultures ou variétés : « on doit chercher ce qui peut convenir dans nos sols – qui pour certains sont très pauvres – tout en trouvant le marché qui va derrière… Là encore, c'est un autre problème ».
Et l'avenir ?
S'il garde donc le moral, il s'inquiète tout de même pour certains collègues : « dont les trésoreries ne pourront pas ou plus compenser ce qui nous arrive… », et d'insister : « Si quelqu'un est en difficulté, parlez ! Le monde agricole est assez mis de côté comme ça, nous devons nous serrer les coudes. Pour ma part, nous sommes un petit groupe d'exploitants vers Les Brosses et nous parlons de tout sans jugement, cela fait du bien. Si vous n'avez pas cela, échangez avec votre famille… mais parlez ». Il conclut : « La situation est de plus en plus compliquée pour les exploitations et les exploitants. Nous le répétons sans cesse en utilisant tous les canaux de communication à notre disposition (comme X, anciennement Twitter, avec l'association FranceAgriTwittos, dont je suis membre). Les pouvoirs publics nous écoutent mais ne nous comprennent pas et je ne sais pas ce qui peut changer cela. En attendant, nous faisons le dos rond, ce qui ne peut plus durer pour certains. Alors je pose la question : qu'adviendra-t-il de l'agriculture française quand nous ne tiendrons plus ? ».