Prédation
Une protection impossible ?

Chloé Monget
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Le 15 juin, les associés du Gaec Marchand de Gouloux découvrent un veau mort dans une de leur parcelle au lieu-dit Les Gadreys (Montsauche-lès-Settons). Aujourd'hui, la cause de ce décès est actée comme une prédation dont la responsabilité du loup n'est pas écartée.

Une protection impossible ?
La parcelle du Gaec Marchand, aux Gadreys, où le veau (ici en photo) a été découvert fait environ 2 ha, entourée par une forêt de feuillus et bordée d'un cours d'eau. Crédit photo : Gaec Marchand

« Je l'ai trouvé vers 8 h, le 15 juin » précise Florent Marchand, un des trois associés du Gaec Marchand de Gouloux, en évoquant la découverte d'un veau mort (et dévoré) dans l'une de leur parcelle aux Gadreys (Montsauche-lès-Settons) à 2 km du Lac des Settons. Une fois la macabre trouvaille faite, Florent prend des photos, puis fait le tour de la parcelle : « J'ai vu une empreinte qui ressemblait vaguement à celle d'un grand canidé – sans assurance. En voyant cela, je suis allé voir mes associés Daniel et Catherine, pour leur faire part de ces éléments et décider quoi faire, d'autant plus que c'était un samedi, donc nous pensions n'avoir personne au téléphone pour nous aider ». Après quelques discussions, ils se résolvent à contacter l'Office Français de la Biodiversité (OFB) afin de déclarer l'incident : « manifestement le veau était mangé, la question étant : par quoi ? Nous avons décidé d'appeler car le reste du lot dans la parcelle était très agité ce qui nous a paru étrange »

Réactivité saluée 

Ainsi, Florent appelle l'OFB vers 9 h : « Nous n'avons eu personne que ce soit à Decize ou Dijon. Puis nous avons rappelé après 9 h, et là notre appel a été transféré directement sur le portable d'un agent. Ce dernier nous a dit qu'il passerait dans la journée ; chose qu'il a faite. Avant son arrivée, il nous a conseillé de couvrir la dépouille pour la préserver des charognards – ce que nous avons suivi ». Une fois sur place, les agents de l'OFB procèdent aux constatations : « ils ont été réactifs et n'ont pas ménagé leurs peines pour découper le veau afin de rassembler les éléments nécessaires à l'établissement de leur rapport. Ils nous ont également conseillé de faire autopsier le veau par notre vétérinaire, mais comme nous avions déjà pris rendez-vous avec l'équarrissage pour évacuer la dépouille, nous ne l'avons pas fait ». Le lundi suivant (le 18 juin), les associés reçoivent un mail : « le verdict était clair : la mort était due à la prédation dont la responsabilité du loup n'était pas écartée ». Aujourd'hui, les associés sont en attente d'une indemnisation : « nous ne savons pas si cela sera un montant calibré sur la valeur du veau ou sur le produit final qu'il aurait représenté... on verra bien ». Depuis le 18 juin, une demande de tir simple a été effectuée par la FDSEA 58 pour le secteur. Florent Marchand stipule : « Nous avons été très surpris de la réactivité de tous les services d'autant plus que tout s'est passé durant un week-end. Nous sommes plutôt contents de voir cette rapidité »

Que faire ? 

Si cette attaque est donc identifiée comme une prédation dont la responsabilité du loup n'est pas écartée, une autre en 2021 dans la même parcelle avait été déclarée comme mort indéterminée Les associés réagissent : « La première était aussi dévorée, mais nous acceptons la décision. Cela dit, c'est quand même curieux que cela soit toujours au même endroit ». Ils stipulent qu'il s'agit des deux seules morts de ce type pour leur cheptel, pour le moment. Malgré tout, Daniel Marchand pointe : « Cela devient de moins en moins facile de faire ce métier, car il n'y a pas que le loup. Il y a aussi les dégâts de blaireaux, de sangliers ou encore de chevreuils » et poursuit : « en tout cas pour le loup, nous regrettons que les informations d'attaques des départements limitrophes ne nous parviennent pas, car avec elles nous permettraient d'ouvrir l'oeil en cas de besoin ». Pour eux, si les mesures de protections et les dispositifs d'aides pour ces dernières sont louables, elles n'en restent pas moins « inefficaces car cela n'est pas adapté à nos pratiques. Pour les clôtures cela représenterait une somme conséquente, que tous les exploitants ne peuvent pas débourser, et pour les chiens de protection, c'est une fausse bonne idée. En effet, d'une part car nous avons trop de lots éparpillés dans un rayon de 20 km – dans notre cas – et que nous ne pouvons pas laisser un chien de protection sans surveillance au risque d'avoir des problèmes avec les voisins ou les touristes puisque nous sommes très proches du lac des Settons ou encore des sentiers de balades comme le GR 13, très prisés en période estivale. Ces systèmes peuvent éventuellement convenir au Jura mais pas chez nous. Sans véritable solution, on se demande pourquoi ne pas réguler la population lupine là où les moyens de protection sont inadaptés ? Aujourd'hui, le loup semble avoir carte blanche, contrairement à nous. Ce n'est pas juste... ».

En chiffres
Ici, loup ibérique ou « Canis lupus signatus » en captivité. Cette sous-espèce du loup gris est originaire de la péninsule ibérique (Espagne-Portugal). ATTENTION : Photo d'illustration ne mettant pas en cause ce spécimen dans l'attaque du Gaec Marchand.

En chiffres

Le bilan des conclusions des constats de dommages sur troupeaux dans la Nièvre ces dernières années (chiffres arrêtés au 25 juin 2024*) : 

En 2021 : nombre total d'attaques : 13 dont : 3 « Loup non écarté » (LNE), 10 « Loup écarté », avec un nombre de victimes total de 37. Pour 2021, 3 indemnisations sont comptabilisées. 

En 2022 : nombre total d'attaques : 29 dont : 12 « LNE », 14 causes indéterminées, 1 non liée à une prédation, 2 liés à une prédation mais « loup écarté. Le nombre de victimes total s'élève à 58. Pour 2022, ont été recensées 11 indemnisations.

En 2023 : nombre total d'attaques est de 35 dont : 11 « LNE », 14 de causes indéterminées, 3 non liées à une prédation et 7 liées à une prédation mais « loup écarté ». Le nombre de victimes total est de 76. Pour 2023, 11 indemnisations sont relevées. 

En 2024 (au 25 juin) : nombre total d'attaques est de 25 dont : 9 « LNE », 14 de causes indéterminées, 2 liées à une prédation « loup écarté », 3 non liées à une prédation et 7 liées à une prédation mais « Loup écarté ». Le nombre de victimes total est de 76. Pour 2024, 9 indemnisations sont dénombrées (1 versée et 8 en cours – en date du 25 juin).

* Source : FDSEA 58