Enseignement
L'Institut Agro Dijon fait bouger les lignes
Deux projets sur lesquels l’Institut Agro Dijon est positionné prouvent les capacités d’innovation de l’enseignement agricole, que ce soit dans le recours aux technologies numériques, ou dans la capacité à faire émerger de nouvelles compétences qui, en retour, nourrissent les cursus des futurs ingénieurs. Ce travail profitera aussi aux lycées agricoles.
Réfléchir aux usages du numérique d’un côté, créer des formations et des compétences nouvelles de l’autre : l’Institut Agro Dijon est impliqué sur deux projets qui démontrent les capacités d’innovation de l’enseignement supérieure agricole, dans une logique profitable à l’ensemble de l’enseignement agricole. Il s’agit du projet Hercule 4.0 d’une part, et d’un projet Compétences et métiers d’avenir (CMA) de l’autre. Deux axes qui se nourrissent mutuellement. Hercule 4.0 est centré sur le lien entre pédagogie et numérique. Démarré fin 2021 il doit parvenir à son terme fin 2025. Il fédère huit établissements publics de l’enseignement supérieur en agronomie et vétérinaire et est doté d’un budget de 14 millions d’euros (dans le cadre du plan France 2030). Il fait partie des Appels à manifestation d’intérêt (Ami) Démonstrateurs numériques dans l’enseignement supérieur (DemoES). Claude Compagnone, enseignant en sociologie au sein du Centre d’économie et de sociologie appliquée à l’agriculture et aux espaces ruraux (Cesaer), assure la coordination entre les différents acteurs. « Avec François Roche-Bruyn, notre directeur, précise-t-il, nous nous sommes dit que l’Institut Agro Dijon cochait de nombreuses cases pour répondre à un tel projet. Nous avons monté le dossier en 15 jours, en partenariat avec un collègue d’AgroParisTech et un autre d’Agreenium (une alliance d’établissements d’enseignement supérieur dont fait partie l’Institut Agro Dijon) ».
Le numérique raisonné
Hercule part d’un constat simple : il ne s’agit pas de refuser le numérique, ni de tomber dans l’idéologie du « tout numérique » mais de voir comment on peut promouvoir et maîtriser, de manière intelligente, ses usages dans l’enseignement. Le Covid a mis en exergue la contrainte d’enseigner en distanciel et donc d’avoir recours de manière inédite, au numérique. Cette période a pu être traumatisante pour des enseignants comme pour des étudiants, mais fut aussi l’occasion de développer des innovations pédagogiques. « Hercule, précise Claude Compagnone, c’est le moyen de voir ce qui se fait en matière d’innovation pédagogique liée au numérique, et de constater ce qui marche et ce qui ne marche pas. Ce projet est basé sur 12 travaux (d’où son nom) destinés à accompagner les étudiants et les enseignants-chercheurs dans un usage raisonné du numérique, afin de voir ce que ces outils peuvent apporter à leurs pédagogies et comment ils transforment leur métier ». Hercule est aussi positionné sur un secteur où les mutations sont très rapides : ainsi, au lancement de l’Ami DemoES, l’intelligence artificielle n’en faisait pas partie ! « Il a fallu la rajouter, avec des groupes de travail spécifiques, afin de voir comment les étudiants et les enseignants pouvaient faire bon usage de ce nouvel outil ». C’est la première fois, au niveau national, qu’un travail de fond, rassemblant un grand nombre d’établissements du supérieur dans l’agronomie et le vétérinaire, est mené sur cette question et c’est d’autant plus important quand on voit comment Hercule 4.0 est complémentaire du second projet sur lequel l’Institut Agro Dijon a aussi été lauréat d’un deuxième Ami : celui nommé Compétences et métiers d’avenir (CMA).
Pédagogie du « faire »
Ici, l’objectif est de créer des formations sur des compétences nouvelles. De dimension régionale, il implique la Chambre régionale d’agriculture de Bourgogne-Franche-Comté (BFC), Dijon Métropole, l’Université de BFC, Alliance BFC (coopératives Dijon Céréales, Bourgogne du Sud et Terre Comtoise), les Établissements publics locaux d’enseignement et de la formation professionnelle agricole (Eplefpa), la FRCuma : en tout, 23 partenaires fédérés pour un projet d’une durée de cinq ans avec un budget de 12 millions d’euros. Claude Compagnone détaille : « CMA est centré sur la pédagogie du « faire » et le but, pour l’Institut Agro Dijon, c’est de se positionner comme un établissement référent en matière de transformation pédagogique ». Dans ce cadre, des démarches étonnantes peuvent être testées, telles que des classes dites « renversées » : les étudiants donnent cours, l’enseignant ne fait qu’accompagner la construction du cours, il encadre et guide. Il y a aussi des « Ateliers du faire », accessibles aux étudiants en formation initiale à n’importe quels horaires, en dehors de leur cursus habituel, dans un but de construction d’un projet personnel. « Le développement de 14 ateliers est prévu : ils traiteront de l’agronomie, de l’alimentation, de l’agroalimentaire, des sciences humaines et sociales, de l’agroéquipement, de l’agroécologie, de la robotique, la fermentation, ou encore la constitution de collectifs… » Ce dernier, par exemple, intéresse beaucoup la Fédération régionale des Cuma qui souhaite faire évoluer les compétences de ses animateurs en matière de conduite de collectifs dans le cadre d’animation de Groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE).
Enrichir les formations
À l’issue du passage par les ateliers, certains projets d’étudiants peuvent être repérés, incubés et accompagnés pour, pourquoi pas, déboucher sur la création d’une start-up. Ils peuvent aussi attirer l’attention de chercheurs et être intégrés à des projets de recherche. Certains de ces ateliers existent déjà, mais la majorité reste encore à développer. En plus des étudiants de l’Institut Agro Dijon, ces « Ateliers du faire » sont accessibles à des lycéens qui auraient aussi des projets. Des journées sont spécifiquement dédiées à chaque lycée pour que leurs élèves puissent les découvrir. « L’objectif, conclut Claude Compagnone, c’est de voir comment ces innovations pédagogiques peuvent contribuer à la transformation les formations d’ingénieurs, afin que les étudiants aient aussi développé des compétences qui ne figurent pas au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), mais qui sont émergentes, et qu’on n’aurait pas identifiées il y a cinq ou dix ans. L’atelier sert à la fois à repérer ces compétences émergentes, à former des gens dessus et, au bout du compte, à les inscrire dans la formation d’ingénieur. J’y vois un outil puissant de partenariat régional entre différents établissements : Institut Agro Dijon, l’Inrae, le Vinipôle de Mâcon-Davayé, les lycées agricoles et leurs exploitations, la plateforme du Campus des métiers et qualifications (CMQ) « Agroéquipements » de Vesoul, le pôle Agronov… »