Crise agricole
De nouvelles annonces pour tenter de conclure
Le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures en faveur du secteur agricole, principalement en faveur des exploitations en difficulté, avec un volet dédié à la région « méditerranéenne ». Objectif : organiser un entretien entre les syndicats et Emmanuel Macron, qui doit conclure la séquence ouverte par les manifestations de cet hiver.
Le Premier ministre Gabriel Attal s’est déplacé, le 27 avril dans la Manche, pour présenter des mesures complémentaires à celles dévoilées en deux temps en février. Objectif : mettre fin à la séquence de négociation qui avait suivi les manifestations d’agriculteurs de cet hiver.
Quatorze mesures ont été dévoilées, dont un large volet consacré au soutien à la trésorerie. Comme demandé par la FNSEA, des mesures de trésorerie seront annoncées pour les agriculteurs les plus en difficulté qui n’auraient pas pu bénéficier du « plan de trésorerie d’urgence » dévoilé le 24 février par Bercy et les banques ; une enveloppe de « 100 millions d’euros » va être allouée – via BPI France – aux agriculteurs, à travers cinq types de mesures : « prêts de trésorerie pouvant aller jusqu’à 75 000 € » ; « garanties de prêts de banques commerciales privées allant jusqu’à 200 000 euros » ; « garanties de crédits d’affacturage qui permettent de transformer des créances sur l’État ou des grands donneurs d’ordre en prêts immédiats » ; « subventions à l’innovation jusqu’à 50 000 € et des prêts méthanisation agricole » ; « programmes d’accompagnement non financiers comme l’accélérateur agroécologie ».
Pour les agriculteurs en difficulté, le gouvernement annonce également un « dispositif simplifié permettant d’orienter sur la base d’un audit simplifié aidé », et travaille sur un « accompagnement financier dans le cadre d’une transmission à un jeune agriculteur ». En matière de fiscalité, le gouvernement prévoit une « augmentation du taux de dégrèvement de TFNB sur les terres agricoles de 20 % à 30 % » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 ; ainsi qu’une « exonération de 30 % de la réintégration de la dotation d’épargne de précaution (DEP) dans le résultat fiscal et social de l’exploitation en cas de sinistre climatique ou sanitaire ».
Plan « agriculture méditerranéenne »
La surprise de ces nouvelles annonces tient dans le lancement d’un « plan d’accompagnement de l’agriculture méditerranéenne », comme demandé par la présidente de la région Occitanie et la FNSEA. Le gouvernement a été particulièrement réactif face à une demande qui avait émergé au Salon de l’agriculture. Doté de 50 millions d’euros, ce plan visera « l’accompagnement de l’adaptation au changement climatique » et l'« évolution des filières locales » dans les départements de l’Aude, des Pyrénées-Orientales et de l’Hérault. Les services de Matignon mettent en avant les aléas particulièrement importants subis par les régions du sud de la France ces dernières années, qui ont cumulé la sécheresse, le gel, la grêle et la MHE (bovins). Les services du ministre de l’Agriculture précisent qu’il s’agit d’une mesure expérimentale qui pourrait être élargie à d’autres secteurs touchés par la sécheresse.
À l’occasion d’une conférence de presse organisée le 28 février avec le président de la région Bretagne, son homologue socialiste Carole Delga, présidente de l’Occitanie, avait demandé « une reconnaissance de l’agriculture méditerranéenne », pour obtenir des dispositions plus favorables en matière « d’accès à l’eau » et de « compensation des handicaps naturels ». La présidente de région était questionnée par Agra Presse sur le décrochage de la valeur ajoutée nette au coût des facteurs par actif dans sa région par rapport à la moyenne nationale depuis dix ans. C’est en Occitanie qu’étaient apparues, à l’automne, les premières mobilisations qui ont abouti aux manifestations nationales de cet hiver (voir notre analyse).
100 projets hydrauliques « d’ici fin 2024 »
Par ailleurs, le gouvernement devrait s’engager à faire aboutir d’ici fin 2024 une liste de 100 projets hydrauliques, « compatible avec une gestion durable de la ressource ». Environ 300 projets avaient été identifiés à l’issue du Varenne de l’eau, que le gouvernement souhaiterait accélérer – ces 100 projets en constitueraient une première tranche. Il souhaite également travailler sur une modification de l’arrêté de 2021 simplifiant les dérogations pour les projets de retenues hydrauliques.
Enfin, le Premier ministre a confirmé son engagement à appliquer les simplifications de la Pac que le Parlement européen vient d’adopter dès la campagne en cours 2024 ; elles concernent les BCAE 1 (prairies), 7 (rotations), 8 (jachères) et 9 (prairies). Pour rappel, sous la pression des manifestations d’agriculteurs, Bruxelles avait accepté de proposer d’assouplir plusieurs pans de l’encadrement environnemental de la Pac ; il s’agissait d’une part de la BCAE 7 (rotations) qui avait été renforcée dans l’ensemble des exploitations de l’UE, et qui pourrait désormais être remplie au travers de la diversification des cultures à l’échelle de l’exploitation. Autre mesure majeure : la fin de l’obligation des jachères (BCAE 8), obtenue en contrepartie de maintenir des voies d’obtention des éco-régimes par le maintien de jachères ou d’éléments non productifs. Enfin, la réforme de la BCAE 1 (prairies) devrait permettre de « prendre en compte la déprise de l’élevage pour le calcul des ratios de référence » et « d’assouplir les obligations de réimplantation notamment en cas d’artificialisation des terres ».
Possible rencontre le 2 mai
Cette série d’annonces doit permettre à Emmanuel Macron de rencontrer prochainement les syndicats agricoles, comme il l’avait annoncé lors du Salon de l’agriculture. Tout dépendra de la réaction des agriculteurs, indiquent les conseillers à Matignon. L’Élysée a évoqué la date du 2 mai avec les syndicats, a appris Agra Presse, de source professionnelle – mais cette date reste à confirmer. Les premières réactions officielles semblent ouvrir la voie à une rencontre. Une nouvelle « phase » s’ouvre pour la « déclinaison concrète » de chacune de ces mesures, ont salué le 27 avril les syndicats agricoles majoritaires, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs. Mais ils promettent d’être d’une « extrême vigilance » pour surveiller leur concrétisation et le vote cet été d’une nouvelle loi agricole.
À la Coordination rurale, « on sera vigilants sur toutes les annonces », et « il y a encore beaucoup à faire », a déclaré sa présidente Véronique Le Floc’h à l’AFP. « On nous donne le sentiment d’aller vite, mais beaucoup de mesures auraient pu être prises depuis le départ ». De son côté, la Confédération paysanne s’est montrée critique, sur France Info, sa porte-parole expliquant que le syndicat n’avait pas été consulté. « On aimerait qu’Écophyto soit un vrai engagement vers une sortie déterminée des pesticides les plus dangereux », a expliqué Laurence Marandola, « pas très optimiste ».