Start-up
KaryonFood : un outil de pilotage de la valorisation agricole

Berty Robert
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Basée à Dijon, cette start-up a conçu une solution numérique qui fédère des producteurs agricoles, des abatteurs, des transformateurs et des distributeurs. L’objectif d’information des consommateurs se double de la possibilité, pour les agriculteurs, de bénéficier d’un outil de pilotage de la valorisation de leur travail.

KaryonFood : un outil de pilotage de la valorisation agricole
KaryonFood, c'est aujourd'hui six collaborateurs à plein temps mais la start-up est encore en recrutement. A droite, Claire Guillet, la fondatrice. (Crédit Karyonfood)

Aucun secteur ne peut aujourd’hui éviter de réfléchir à la question de l’utilisation et de la valorisation des données numériques. C’est le cas aussi en agriculture. Une coopérative comme Dijon Céréales développe des outils d’exploitation des données que ses activités génèrent, convaincue qu’une partie de son avenir se joue dans cet espace encore difficile à cerner, mais porteur de valeur. C’est aussi sur ce créneau que s’est construite la start-up KaryonFood. Incubée par deux structures en Bourgogne-Franche-Comté (ToasterLab, accélérateur de projet porté par le pôle de compétitivité Vitagora, et le Village by CA Champagne-Bourgogne à Dijon) elle a été créée fin 2019 par Claire Guillet. KaryonFood « collecte, valorise et facilite la lecture des données pour les mettre au cœur des décisions et des échanges entre producteurs et distributeurs ». Dans ce cadre, comment envisage-t-elle son rapport avec les producteurs agricoles ?

Connaître les besoins des producteurs

L’objectif est de créer des solutions informatiques qui permettent aux acteurs des filières alimentaires de mieux communiquer, d’être plus performants et de faire émerger des filières plus rémunératrices pour chacun, avec des ancrages territoriaux forts. « Lorsque j’ai décidé de fonder KaryonFood, explique Claire Guillet, je voulais permettre à l’amont des filières, et notamment aux producteurs agricoles, de mieux valoriser leurs produits auprès des consommateurs et que ces derniers puissent choisir des produits issus de filières plus durables ». La fondatrice a pris le temps d’interroger de nombreux producteurs afin de comprendre ce qui pouvait leur manquer. « Pour permettre aux agriculteurs de mieux valoriser leurs produits, il fallait commencer par communiquer sur ce qu’ils font, sur les efforts qu’ils accomplissent pour l’environnement ou la qualité, pour qu’en bout de chaîne, le consommateur valorise ce travail ». Dès l’origine, Claire Guillet a partagé son idée avec Christian Valette, éleveur de bovins de race Aubrac dans l’Aveyron et qui vend sa viande sur Paris. « Mon idée, c’était de tracer le produit, d’apposer des QR codes afin de permettre au consommateur d’avoir toute l’histoire du produit et une présentation détaillée de ce qui se passe dans le processus de production de cette viande ». Dans un second temps, Claire Guillet a cherché à « industrialiser » sa solution. Elle a commencé à travailler avec des abattoirs basés en Auvergne. « Avec eux, précise-t-elle, j’ai travaillé sur la récupération de données de production, au niveau de l’abattage et de la transformation. La plate-forme KaryonFood a été intégrée à leurs ERP (logiciel de gestion des activités quotidiennes d’une entreprise) ». KaryonFood a ainsi établi une logique d’apport d’informations au consommateur final, qui sait comment l’animal est élevé, mais aussi comment il est abattu et transformé.

L’importance du consentement

De son côté, le producteur dispose d’une transparence totale sur ce qui est fait de son produit. KaryonFood travaille aujourd’hui selon ce modèle avec six abattoirs situés en Aveyron, en Auvergne ou dans le Grand-Est… mais pas encore en Bourgogne-Franche-Comté. La question du consentement des partenaires avec lesquels elle travaille pour l’utilisation de leurs données a été prise en compte par la start-up : « Lorsqu’un animal arrive à l’abattoir, nous savons si l’éleveur a donné ou non son consentement au partage de données. Si ce consentement a été donné, nous récupérons toutes les données de production. Si ce n’est pas le cas, le QR code placé sur l’emballage de la viande ne fournira que des informations simplifiées. Le respect de la décision de l’éleveur quant au partage des données est fondamental ». Ces QR Code permettent d’obtenir des informations sur les critères de qualité vérifiés par KaryonFood, l’histoire du produit, la présentation des structures qui sont intervenues dans sa production, sa transformation, ou sa distribution. Nombre des producteurs qui travaillent avec KaryonFood souhaitent avoir une vision claire du retour sur investissement que représente leur implication sur cet outil, « c’est pourquoi nous avons aussi impliqué les distributeurs afin de mesurer ce qui se passe en magasin sur ces produits, et si l’on constate une variation des ventes en fonction des informations que nous amenons ». L’outil créé par la start-up intègre donc aussi les données « sortie caisse » des distributeurs, ce qui permet aux producteurs d’analyser et de comprendre comment sont perçus leurs produits, magasin par magasin, et comment évoluent leurs ventes. Ils peuvent ainsi activer des démarches commerciales ciblées sur les points de ventes qui auraient un potentiel de croissance. « Nous proposons un outil de pilotage complet, pour des TPE et PME agroalimentaire qui sont indispensables à la valorisation de la matière première agricole. Si l’agriculteur fait une très bonne matière première mais qu’il n’a pas autour de lui des transformateurs ou des distributeurs qui sont à la hauteur, il aura toujours du mal à valoriser son travail ». L’avenir pour KaryonFood, c’est une levée de fonds (500 000 euros) qui permettra d’accompagner le déploiement de la plateforme auprès des TPE et PME qui vendent dans la grande distribution et en restauration hors domicile.

Note de bas de page : www.karyonfood.com