Soirée sanitaire
Cherche véto désespérément !

Lucie Lecointe (FDSEA)
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La section bovine de la Nièvre et le GDS organisaient une réunion d’information le mardi 21 juin pour évoquer les sujets d’actualité sanitaire de la filière allaitante : la diffusion de la dermatite digitée, dite maladie de Mortellaro, et le phénomène structurant de désertification vétérinaire qui risque de priver les éleveurs de services vétérinaires dans les années à venir.

Cherche véto désespérément !
Les vétérinaires de campagne commencent à manquer. Crédit photo : Lucie Lecointe (FDSEA).

Le 21 juin n’était pas uniquement le jour de la Fête de la musique, mais également celui de la soirée sanitaire orchestrée par la section bovine de la Nièvre et le GDS ; une occasion de discuter de la dermatite digitée (ou Mortellaro) ainsi que du manque de vétérinaires dans les années qui arrivent.

Mortellaro : mieux vaut prévenir !!

Philippe Salvé, vétérinaire à l’abattoir de Luzy et représentant GTV (Groupements techniques vétérinaires) pour la Nièvre, précise que la maladie Mortellaro est une maladie infectieuse multifactorielle du pied, très contagieuse. « L’éleveur s’aperçoit généralement de l’infection quand les vaches boitent, bien qu’il n’y ait pas de relation mécanique entre le boitement et la gravité de la lésion », précise Philippe Salvé. Plusieurs facteurs sont à l’origine de la maladie parmi lesquels l’abrasion, la macération de la peau par laquelle le germe pénètre, entrant en synergies avec d’autres bactéries dites anaérobies (qui vivent dans un milieu sans oxygène). Docteur Salvé prévient : « Attention au réflexe d’antibiothérapie par voie générale, qui n’est pas adaptée dans ce cas, et qui renforcerait l’antibiorésistance ».

Attention à l’introduction

L’infection s’achète. Il faut donc pratiquer systématiquement le contrôle à l’introduction : laver la patte et opérer un contrôle visuel, dans une cage de contention. Philippe Salvé conseille : « Le contrôle à l’introduction est la clé car une fois l’infection introduite dans l’élevage il est très difficile de s’en débarrasser, d’autant que la maladie peut évoluer ensuite au stade chronique avec réactivation possible. Je conseille de traiter les vaches dès les premiers stades de lésion, ou les réformer ».

Des pieds propres et au sec

L’humidité et les déjections sont les premiers vecteurs de contamination, il faut donc lutter contre les zones humides (abords des abreuvoirs…) et l’accumulation de matières fécales. La propreté des animaux s’est révélée bien plus efficace et opérante que les traitements ou même le pédiluve pour maîtriser l’infection. Le parage préventif (fonctionnel) est aussi à pratiquer, une à deux fois par an, pour préserver une hauteur de talon et éloigner ainsi la peau du sol et de l’humidité.

Désertification vétérinaire

Le second sujet de la soirée sanitaire portait sur le phénomène de désertification vétérinaire. Tout le bassin allaitant français manque de vétérinaires, formant une diagonale du vide sur la carte de France. Rémy Picard, élu à l’ordre des vétérinaires, explique que le problème est assez récent, et touche certains territoires en particulier, comme le nord de la Nièvre. Même pénurie de candidats du côté des cabinets vétérinaires de ville pour chiens et chats. « 70 % des cabinets vétérinaires sont en sous-effectif dans la Nièvre, et peinent à recruter. Le Ministère a lancé un Appel à Manifestation d’Intérêt pour comprendre le problème, nous voulons aller plus loin et identifier des actions pour sortir de l’impasse qui s’annonce » explique-t-il.

 

Pourquoi ces difficultés de recrutement ?

Beaucoup de vétérinaires préfèrent le salariat, plutôt que prendre des parts dans un cabinet, pour avoir un volume horaire de travail moins conséquent. L’activité est zone rurale présente des inconvénients (pénibilité physique) et des contraintes (garde de nuit), notamment par rapport aux cliniques de ville. Difficile également pour certains de projeter une vie familiale et sociale dans notre région, peu attractive pour les vétérinaires et leurs conjoints. Par ailleurs, une forte proportion de diplômés sort de la profession et n’exerce pas le métier. Enfin, il existe une concurrence sur la vente de médicaments. Il faut savoir qu’un vétérinaire vit à 70 % de la vente de médicaments, et 30 % de la réalisation d’actes.

Les pistes

Les collectivités locales peuvent maintenant aider les cabinets vétérinaires et s’engager dans des solutions à l’échelle du territoire. Pour attirer des vétérinaires, il faut des formules pour alléger les irritants et simplifier l’installation : papiers administratifs, charge de travail, accès au logement… Romaric Gobillot conclut : « En tant qu’éleveurs, nous devons être bienveillants envers les jeunes vétérinaires, la qualité du relationnel compte des deux côtés. Nous avons besoin de vétérinaires et il faut d’ores et déjà réfléchir à des pistes avant de se retrouver au pied du mur ».