Glyphosate
Édito d'Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, sur le glyphosate

Arnaud Rousseau, président de la FNSEA
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Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, exprime son incompréhension face à la décision de la France de s’abstenir, au moment du vote sur la réautorisation de l’utilisation du glyphosate.

Édito d'Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, sur le glyphosate
Bien recadrer sur Arnaud Rousseau : "Pour Arnaud Rousseau, cette abstention sur le glyphosate « est le signe manifeste que le Gouvernement français ne souhaite pas mettre en cohérence ses discours et ses actes ».

Dans le vote pour la réautorisation de l’utilisation du glyphosate, la France a finalement opté pour l’abstention. Une réponse qui ne peut en aucun cas être satisfaisante pour les agriculteurs français. La semaine passée, dans une lettre ouverte au Président de la République, j’avais appelé le Chef de l’État à faire le choix de la responsabilité, en votant positivement pour la proposition de renouvellement de l’autorisation de la Commission européenne. Cette abstention, même si elle ne remettra vraisemblablement pas en cause la position finale de la Commission de réautorisation, nous la recevons comme le signe manifeste que le Gouvernement français ne souhaite pas mettre en cohérence ses discours et ses actes. Le Président de la République annonce solennellement que seule « la science, et rien que la science » doit motiver une interdiction des produits phytosanitaires. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) expose un consensus scientifique favorable. Et la France refuse de suivre cet avis. C’est incompréhensible. En faisant le choix de l’abstention, la France bloque, à elle seule, la décision de réautorisation au niveau européen. Le Gouvernement assume donc de laisser se poursuivre durant deux mois des débats sans fin, car idéologiques, mettant une nouvelle fois les agriculteurs sous le feu de projecteurs accusateurs. Que fera la France si la Commission ne se rallie pas à sa position ? Nous, agricultrices et agriculteurs, ne pouvons plus accepter ce manque de cohérence, cette dérobade permanente dès qu’il s’agit de doter l’agriculture d’outils opérationnels. Nous perdons chaque jour un peu plus en compétitivité et un temps précieux pour atteindre les objectifs exigeants et contraignants de la planification écologique.

Un processus long et complexe

Le 12 octobre à Bruxelles, les États membres ne sont pas parvenus à se mettre d’accord au sein du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, sur la proposition de la Commission visant à renouveler, pour une période de dix ans, l’utilisation du glyphosate. La majorité requise pour adopter ou rejeter la proposition n’a pas été atteinte. En conséquence, la proposition qui se fonde sur un avis rendu par l’Efsa sera soumise à un comité d’appel qui devra débattre et voter sur la proposition de la Commission européenne au cours de la première quinzaine de novembre. La décision sur le renouvellement du glyphosate doit être prise au plus tard le 14 décembre, étant donné que l’approbation actuelle expire le 15. Les modalités de prise de décision concernant l’autorisation des substances actives (y compris les herbicides comme le glyphosate) suivent un long processus d’évaluation. Il vise à assurer la protection des plantes contre les parasites et les maladies, la sauvegarde de la santé humaine et celle de l’environnement. Le processus associe un examen scientifique réalisé par des experts des États membres et ceux des agences européennes, ce qui permet d’établir les bases d’une décision qui détermine si la substance peut être utilisée pour la protection des plantes. En voici les principales étapes :

Une entreprise qui souhaite commercialiser un produit contenant une substance active nécessite que sa demande soit soumise à État membre ou à un groupe d’États membres pour expertise. Ils sont désignés comme rapporteurs. S’agissant du glyphosate, le dossier de réhomologation de Bayer a été confié, le 12 décembre 2019, à quatre États membres : France, Hongrie, Pays Bas, Suède.
- Le ou les rapporteurs procèdent à une évaluation de la substance active. Elle comprend un examen des risques sur la santé humaine et l’environnement, incluant les résidus dans les aliments.
- Cette évaluation est soumise à la critique d’experts de tous les autres États membres et à celle de l’Efsa pour s’assurer de sa rigueur scientifique et de la prise en considération de toutes les données. L’Efsa finalise ses conclusions et les transmet à la Commission européenne. C’est à elle qu’il appartient de préparer un projet de règlement et de le soumettre au Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et aliments pour animaux. C’est ici qu’interviennent les règles de la majorité qui permettent d’adopter ou non la proposition. Si la majorité qualifiée est acquise en faveur de la proposition de la Commission, (si elle a recueilli les voix de 55 % des États membres représentant au moins 65 % de la population de l’Union européenne), la proposition est adoptée et doit être publiée. Si la majorité qualifiée est acquise contre la proposition de la Commission, cette proposition doit retourner au Comité permanent assortie d’amendements ou être envoyée telle quelle au Comité d’appel. S’il n’y a pas de majorité qualifiée ni pour ni contre la proposition de la Commission, celle-ci doit l’amender et la retourner au Comité permanent ou la renvoyer au Comité d’appel telle quelle. C’est ce cas de figure qui prévaut pour l’autorisation du glyphosate. La France et l’Allemagne s’étant abstenues, aucune majorité n’ayant pu être dégagée, la Commission a décidé de la renvoyer au Comité d’appel. Si ce Comité délivre un avis favorable ou s’il ne délivre pas d’avis, la décision est adoptée par la Commission européenne. Une nouvelle substance active est généralement approuvée pour une durée de 10 ans, souvent davantage pour une réhomologation. Bien qu’il s’agisse d’une réhomologation, la Commission a proposé 10 ans pour le glyphosate. Après l’approbation de la substance active par la Commission européenne, les entreprises qui souhaitent commercialiser le produit correspondant ont l’obligation de solliciter l’autorisation de mise en marché auprès de chaque État membre. Chacun doit procéder à une réévaluation du produit phytosanitaire pour chaque utilisation et peut en restreindre les conditions d’utilisation pour protéger la biodiversité en particulier.