Filière forêt-bois
Marc Fesneau à l'écoute, à Euroforest

Cédric Michelin
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Lors de sa venue sur le salon Euroforest, en Saône-et-Loire, fin juin, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau a participé à une table ronde.

Marc Fesneau à l'écoute, à Euroforest
La filière forêt-bois avait de nombreuses questions à aborder avec le ministre Marc Fesneau.

Plan France 2030, besoins des pépiniéristes, changement climatique, valorisation des feuillus arrivant en masse sur les marchés, critiques des coupes rases ou des forêts productives, multi-activités des forêts, le milliard d’arbres à planter… Les questions n’ont pas manqué lors de la table ronde à laquelle a participé Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, le 23 juin, lors de sa venue sur le salon Euroforest, en Saône-et-Loire. Pour lui, la filière vit un « moment important » avec « des enjeux convergents » puisqu’une « grande partie des solutions réside en forêt ». Tellement centrale qu’il est obligé de freiner les ardeurs de ses collègues ministres, car entre bois, énergies, construction, meubles, biodiversité… « on compte trois fois la même biomasse alors que nous allons devoir produire plus sous contrainte climatique », leur explique-t-il à Matignon.

Ne pas laisser faire la nature

Son enjeu est donc de bien planifier avec Élisabeth Borne car la planification écologique et la stratégie bas carbone du Gouvernement reposent « beaucoup sur la forêt ». Pas question donc de remettre en cause la gestion forestière. Bien au contraire. Marc Fesneau l’a répété à plusieurs reprises, et tout au long de la journée, l’agriculture et la forêt « doivent combattre l’idée que laisser faire la nature permettra de produire mieux ou d’avoir plus de forêts ». Ce qui faisait rire jaune les professionnels, mais pas lui, qui côtoie nombre d’intellectuels déconnectés des réalités à Paris et à Bruxelles. Sa solution : poser le débat pour encourager la « restauration des écosystèmes », plutôt que le retour à « l’état de nature ». Son meilleur atout pour faire cette pédagogie ? S’appuyer sur les trois millions de propriétaires forestiers, soit « treize millions de Français qui peuvent parler forêt ». Encore faut-il les recenser, ce que Bercy sait visiblement mieux faire que son ministère… Les communes forestières, cadastres, notaires et mairies seront mis à contribution. L’enjeu est de massifier les bonnes pratiques de gestion forestière et de médiation, à l’heure d’une adaptation sans précédent de nos forêts au changement climatique.

Gibier, GNR, douglas…

Place à la production donc. Entre gestion des plantations et gestion du gibier, Marc Fesneau a fait son choix. « L’argent public n’a pas vocation à financer les dégâts des gibiers en forêt », disait-il, décrochant des sourires dans la salle, rajoutant n’être pourtant « pas hostile à la chasse ». Il préfère prendre ce budget pour le consacrer à la sélection variétale et à la production de graines. Une autre salve de questions s’abattait ensuite sur le ministre au sujet de la récolte et de la filière bois. Sur le flou pour tailler les haies, sur les vols et vandalisme, sur la taxation du GNR, sur l’arrosage des bois l’été, sur la réindustrialisation, sur l’accord-cadre « chêne », sur le douglas… Là encore, le ministre répondait en bloc. « Sur le GNR, ce n’est pas une taxation, mais la fin d’une défiscalisation. Sinon, on nous taxe d’avoir un discours non cohérent », jouait-il avec les mots, renvoyant la responsabilité à « 15 ans à tourner autour du pot ». Il renversait la situation en interrogeant la filière sur ce qu’il va faire des 300 millions d’euros de compensation (1,3 milliard pour la filière agricole, ndlr). Demandant à signer l’accord-cadre « chêne » rapidement, il défendait ensuite le douglas. « Ce résineux n’est pas l’adversaire du stockage de carbone sur un cycle de production. Comme le maïs, il est un bouc émissaire », expliquait le ministre qui, toutefois, voit à l’avenir « plus de risques sanitaires pour les douglas en monoculture » ou autres espèces.

Des paysages en feu

Le président de Fibois, Paul Jarquin, s’inquiétait des règlements incendies. Le ministre lui promettait une sortie « par le haut » avec ce dossier partagé avec le ministère de l’Intérieur. Pas question de laisser la forêt amasser de la biomasse morte, véritable poudrière. Il appelait tous les professionnels à préparer les esprits du grand public « aux paysages qui vont radicalement changer. Notre rôle étant de préserver le monde vivant », insistait-il. « Une lourde tâche qui obligera à se regrouper et à de la cohérence ». Marc Fesneau sait la triple menace du feu, des maladies et du climat. Le président de l’ONF, Jean-Yves Caillet, saluait la volonté du ministre de ne pas opposer la « solidarité entre privé et public », sachant leurs destins de soutenabilité liés, « car ne pas intervenir n’est pas un acte de protection, mais un acte d’abandon », citant en exemple la gestion au Canada en proie à des méga feux. « Cinquante ans de perdu et de CO2 relâché », déplorait le ministre.