Betteraves
«  On demande à être traité de la même façon que nos collègues européens »

Propos recueillis par Christopher Levé
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Le mardi 16 janvier s’est tenu la réunion syndicale de l’Yonne de la CGB Champagne Bourgogne, à Villeneuve-sur-Yonne. L’occasion de faire un point sur la filière betteravière avec Cyril Cogniard, président du syndicat.

Betteraves
Le mardi 16 janvier s’est tenu la réunion syndicale de l’Yonne de la CGB Champagne Bourgogne, à Villeneuve-sur-Yonne (photo CGB Champagne Bourgogne).

Quel est l’objectif à travers ces réunions syndicales ?

Cyril Cogniard : « L’idée, c’est de rendre compte aux adhérents de l’activité syndicale de leur organisation. Lors de ces réunions, on fait un bilan de la campagne précédente, on regarde aussi ce qui se passe en matière de chargement, de déterrage et dans les centres de réceptions. On fait également toujours un point technique avec l’ITB sur les sujets d’actualité, sur les évolutions réglementaires, sur les enseignements que l’on peut tirer de la dernière campagne et on donne les orientations pour la campagne suivante. Ensuite, on fait le tour d’horizon des dossiers d’actualité économiques et politiques, avec un point sur les enjeux pour l’année qui vient.
C’est aussi l’occasion de donner aux adhérents des informations sur le contexte actuel des marchés, en leur donnant la vision des cours, avec, quand on le peut, un avis ou des hypothèses sur le futur.
On met en avant les positions que l’on défend, à la CGB. Dans l’Yonne, par exemple, on a expliqué que l’on était en phase de négociation d’un nouvel accord interprofessionnel. On a alors expliqué aux adhérents les sujets que l’on voulait porter dans cet accord, à savoir l’évolution sur le statut des pulpes, une évolution sur les indemnités de début et de fin de campagne, afin qu’elles soient indexées au prix de la betterave ».

Comment jugez-vous cette dernière campagne ?

CC : « Il y a une certaine hétérogénéité en fonction des départements. Pour l’Yonne, c’était une bonne campagne (les rendements moyens sont de 85 t à 16 dans le département, voir illustrations par ailleurs, ndlr). Les producteurs icaunais ont retrouvé des rendements qu’ils avaient l’habitude d’avoir dans le passé (la moyenne nationale, elle, se situe à 83 t à 16, ndlr). Il y a quand même un fait général sur l’ensemble de la région : la faible richesse en sucre a pénalisé la recette de l’agriculteur ».

On était sur la première campagne depuis l’arrêt définitif des NNI, quel recul avez-vous à l’heure actuelle ? A-t-on eu des dégâts liés à la jaunisse cette année ?

CC : « On peut dire que dans la région, les dégâts liés au virus de la jaunisse ont été limités cette année. Il y a eu une zone en France qui a été particulièrement touchée, en Eure-et-Loir, ce qui a entraîné de fortes baisses de rendements. Dans notre grande région Champagne Bourgogne, cela s’est globalement bien passé. Mais les années se suivent et ne se ressemblent pas. On ignore ce que sera 2024. On manque encore de connaissance sur les réservoirs viraux et on ne sait pas à quelle date vont arriver les pucerons. On sait que lorsqu’ils arrivent très tôt, c’est plus préjudiciable pour la culture que lorsqu’ils arrivent plus tard. Cette année, les pucerons ne sont pas arrivés trop tôt. C’est pourquoi, on a réussi, avec les protections que l’on avait à disposition, à les contenir ».

Est-ce que le climat a joué sur la résistance de la culture face aux ravageurs ?

CC : « Il y a certainement eu un effet, effectivement, de la pluviométrie abondante. que l’on a eu. C’est assez simple, plus une betterave est en bonne santé, mieux elle résiste au virus, c’est comme nous. On peut penser, sans pouvoir scientifiquement l’affirmer, car aucune étude scientifique n’est capable de le démontrer, que la pluviométrie a limité le stress sur la betterave. Les symptômes existaient localement, mais le développement de la maladie est resté contenu. Il faut cependant rester très prudent pour l’avenir. On se rappelle qu’en 2019, première année de suppression des NNI, cela s’était aussi très bien passé. C’est l’année suivante en 2020 qu’on a eu la catastrophe liée à la jaunisse. Donc l’année écoulée ne donne aucune garantie pour la suite ».

Récemment, la CGB a annoncé soutenir le mouvement organisé par la FNSEA et les JA ces derniers jours. Quelles sont les attentes des betteraviers vis-à-vis des politiques ?

CC : « C’était une belle mobilisation de tous les agriculteurs. Dans la filière betteraves, nos revendications sont simples. Il y en a deux principales. La première est de faire cesser sans délais les importations Ukrainienne sur des niveaux tels qu’on les connaît actuellement. Il faut savoir qu’avant la guerre en Ukraine, il y avait un contingent pour 20 000 tonnes de sucre qui étaient importées. On est passé d’un seul coup à 400 000 tonnes, et on s’attend, cette année, à dépasser les 700 000 tonnes de sucre importées d’Ukraine. Pour nous, il fallait agir sans délais. La proposition de la commission européenne va dans ce sens, mais ce n’est pas suffisant. D’après les estimations que l’on fait, celle-ci nous propose de limiter à 300 000 tonnes les entrées de sucre, ce qui est quand même 15 fois plus que ce que l’on avait avant la guerre en Ukraine. Aussi, la proposition ne serait effective qu’en juillet prochain. D’ici là, on a créé un appel d’air pour les importations. Finalement, passer de 20 000 à 300 000 tonnes, c’est 280 000 tonnes de plus que ce que l’on avait avant la guerre. C’est pratiquement l’équivalent de la production d’une sucrerie moyenne française. Ce n’est donc pas suffisant (à ce sujet, la CGB affirme que les importations en provenance d’Ukraine pourraient casser la dynamique du marché européen et brider le potentiel de production, notamment en France. La CGB demande fermement, aux côtés des betteraviers européens, que ces tonnes soient réexportées vers d’autres marchés, ndlr).
La deuxième revendication, c’est que l’on ait les mêmes moyens de production que nos collègues européens. Si les Allemands, par exemple, ont accès à l’acétamipride, une molécule autorisée en Europe, il n’y a pas de raison que les Français n’y aient pas accès. On demande à être traité de la même façon que nos collègues européens, sans distorsion de concurrence et sans surtransposition de normes européennes ».

L'année 2023, en bref

D’après Benoit Yot, directeur de la CGB Champagne Bourgogne, « l’année 2023 pour la betterave, à la CGB Champagne Bourgogne, pourrait se résumer par : un retard dans les semis de trois semaines en moyenne ; l’interdiction d’utiliser des NNI ; la maîtrise de la jaunisse malgré l’absence de solutions pleinement efficaces ; des conditions estivales propices à la culture ; une importante reminéralisation d’azote fin août ; un ensoleillement salutaire de septembre à mi-octobre ; une forte pression cerco ; une forte amplitude de richesse en sucre ; une pluviométrie importante avec des difficultés d’arrachage ; et un épisode de gel ».
Benoit Yot confirme également qu’outre les bons rendements dans l’Yonne (pour rappel une moyenne à 85 t à 16), « les prix sont là, comme on ne les a jamais vus. Cela est à mettre en relation avec l’augmentation des charges, mais ils permettent de redonner un peu de couleur dans les fermes en ce qui concerne la santé financière dans les exploitations ».