Congrès FNSEA
« Il faut arrêter du perdre du temps ! »

Christophe Soulard
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À Dunkerque, pour le congrès national de la FNSEA, Arnaud Rousseau a insisté sur l’attente qu’a fait naître le gouvernement et sur les risques de les décevoir.

« Il faut arrêter du perdre du temps ! »
Pour Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, « nous ne voulons ni marcher sur la tête, ni se laisser marcher sur les pieds ».

« Le Président de la République semble hésiter à prendre rendez-vous : celui qu’il nous avait promis au Salon de l’Agriculture, en estimant que la situation n’était pas mûre. Nous sommes mûrs pour lui porter notre vision stratégique de l’agriculture », a lancé Arnaud Rousseau, devant 1000 congressistes réunis à Dunkerque le 28 mars, à l’occasion du 78e congrès de la FNSEA. C’est d’une manière posée mais ferme qu’il a égratigné les temporisations de l’exécutif. « Qu’il a été long le temps de réaction du Gouvernement face aux alertes des agriculteurs français. Une année à vous répéter l’importance de la compétitivité, l’enjeu crucial du renouvellement des générations et la nécessité de consolider le lien avec la société… En vain », a-t-il martelé. Peut-être la situation pourrait-elle changer avec l’arrivée d’Agnès Pannier-Runacher comme ministre déléguée à l’Agriculture : « Avec deux ministres, allons deux fois plus vite pour deux fois plus de résultats », a-t-il ironisé. Le président de la FNSEA a demandé au ministre, Marc Fesneau, de « reprendre son administration en main » car « il n’est pas admissible qu’il se passe un mois entre une décision ministérielle et la diffusion de l’instruction aux échelons administratifs territoriaux ». C’est aussi cette absence de réaction et réponse qui a favorisé l’émergence des mouvements syndicaux de l’automne et de l’hiver.

« La politique n’est pas un spectacle »

« Il faut maintenant cesser de perdre du temps en nous imposant des gesticulations théâtrales, la politique n’est pas un spectacle », a pointé Arnaud Rousseau. Dans son spectre, la conférence de presse du Premier ministre, Gabriel Attal, à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne) qui s’était mis en scène autour de bottes de pailles. « Ce n’est pas sérieux », a-t-il dit, soulignant que « rarement, de mémoire de syndicaliste, autant de sujets ont été ouverts aussi vite » à l’issue de manifestations agricoles. La colère qui s’est exprimée a en effet permis de faire avancer certains dossiers. Ce qu’avait évoqué quelques minutes auparavant, le président des Jeunes agriculteurs (JA), Arnaud Gaillot : « Ce ne serait pas responsable de dire que rien n’avance […] Personne ne croyait il y a encore quelques mois qu’on arrive à faire bouger les lignes aussi rapidement au niveau européen ». C’est le cas en France pour les dossiers gasoil non routier, proposition de loi troubles du voisinage, avenir de l’élevage, accès aux moyens de production. « Trop d’incertitudes demeurent encore », a-t-il déclaré. Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a tenté de rassurer les congressistes de la FNSEA sur ses intentions, assurant connaître « les lourdeurs et les difficultés, les lenteurs et parfois même, disons-le, les réticences qu’il peut y avoir à faire vraiment bouger les choses. Je sais le sentiment que vous avez que le « dire » ne produit pas le « faire » », a-t-il dit. Déclinant les avancées de ses services sur certaines urgences (GNR, Maladie hémorragique épizootique-MHE, inondations…), il a garanti que le dispositif Travail occasionnel-demandeur d’emploi (TODE) serait reconduit cette année et pérennisé. De même le réseau des fermes de référence pour l’assurance récolte sera « opérationnel en 2025 », a-t-il promis.

Retour sans nostalgie

Marc Fesneau a également confirmé que la retraite calculée sur les 25 meilleures années serait appliquée à partir du 1er janvier 2026 : « J’en ai reçu l’assurance du Premier ministre et du Président de la République ». Sur le projet de loi d’orientation agricole, il a précisé que l’agriculture serait reconnue d’intérêt général majeur, que le régime de la haie y était intégré, de même qu’un volet sur l’accélération des contentieux sur l’eau et les bâtiments d’élevage ou la question « des sanctions pour les atteintes à l’environnement ». Une chose est certaine : la FNSEA n’entend « ni marcher sur la tête ni se laisser marcher sur les pieds », a prévenu Arnaud Rousseau. Le syndicat a consacré une partie du congrès à revenir, sans nostalgie sur la genèse du mouvement d’ampleur du début d’année, le plus important du monde agricole depuis 30 ans. « Un mouvement venu de loin » a témoigné Jean-Marie Dirat, secrétaire général de la FRSEA Occitanie qui voyait qu’on « ne gagnait plus d’argent », notamment en raison de l’effet ciseaux dans de nombreux secteurs, avec une hausse des coûts de production et une baisse des prix payés au départ de ferme. Les pressions extérieures comme les recours juridiques contre des installations ou des extensions de bâtiments ont agacé. « En 2023, à cause de ces recours, on a installé personne en volailles dans mon département », rappelait Thierry Coué, secrétaire général adjoint de la FNSEA, éleveur en Bretagne. Son collègue, Romain Blanchard a évoqué un « sentiment de frustration, de résignation puis de ras-le-bol dans toutes les filières ». Pour lui, c’est ce sentiment qui a été le point de bascule pour sortir des tracteurs. « Il faut encore attendre un peu avant de tirer le bilan de ces manifestations », a tempéré Arnaud Rousseau, assurant « être toujours dans la bagarre car on n’a pas terminé le temps du travail. Comment continuer le dialogue respectueux mais ferme avec les pouvoirs publics pour sortir de cette crise par le haut ? ». Si l’écoute est là, a ajouté Arnaud Gaillot « elle n’est pas suffisante ». « Ce qu’on attend, c’est le déploiement des 62 mesures que nous avons portées au Gouvernement. Il doit répondre aux questions : Comment ? et quand ? », a martelé le président de la FNSEA très attaché à la culture du résultat. En clair, le mouvement pourrait-il reprendre ? « L’attente est toujours là, car toutes les décisions du gouvernement ne sont pas encore arrivées dans les cours de ferme et dans le portefeuille », a rappelé Thierry Coué, suivi par Romain Blanchard : « On est toujours dans le rapport de force ». Fort du soutien d’une grande majorité de la population, les manifestations pourraient reprendre s’ils n’obtenaient pas gain de cause : « C’est brûlant », a concédé Jean-Marie Dirat.