Santé
Une thèse sur les risques de cancer de la peau chez les agriculteurs

Séverine Vivot
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Petit-fils et neveu d’agriculteur, Mathieu Longet a présenté une thèse de doctorant en médecine portant sur la connaissance et le comportement des agriculteurs francs-comtois face aux risques de l’exposition solaire. Le constat est sans appel, les agriculteurs sont plus touchés que le reste de la population. L’urgence est au déploiement de la prévention et du dépistage.

Une thèse sur les risques de cancer de la peau chez les agriculteurs
Mathieu Longet, médecin généraliste auteur de la thèse « Connaissance et comportement des agriculteurs francs-comtois face aux risques solaires ».

Où a pu germer cette idée de réaliser son étude de thèse sur la connaissance et le comportement des agriculteurs face au risque solaire ? Peut-être dans la grange du grand-père paternel, non loin de Gray, où Mathieu Longet a passé sa jeunesse. Désormais médecin généraliste, le jeune homme de 28 ans a pu exposer sa thèse lors d’une conférence de presse à la maison de santé à Baume-les-Dames, dans le Doubs. « La peau est un organe, le plus grand du corps humain. Il doit être ausculté comme les autres » annonce-t-il. Au regard de l’étude menée par le jeune médecin, hommes et femmes ne prennent pas suffisamment soin de leur peau. En France, chaque année 17 000 nouveaux cas de mélanomes sont recensés. Il faut y ajouter les 130 000 cas de carcinomes, cancer beaucoup moins grave que le mélanome mais qu’il faut surveiller attentivement. La population agricole est beaucoup plus exposée aux risques solaires. Sa présence à l’extérieur sur la tranche horaire la plus à risque de coups de soleil, entre 11 h et 16 h la rend plus vulnérable. L’étude révèle que plus de 87 % des agriculteurs ont reçu des coups de soleil dans l’enfance. Ils accroissent considérablement le risque de mélanome.

Règle ABCDE

« Autosurveiller les grains de beauté est une piste à développer pour un dépistage précoce de ce qui pourrait devenir un cancer » complète le médecin conseil de la MSA. En reprenant les quatre lettres de l’alphabet, cette règle permet de vérifier l’évolution d’un nævus plus communément nommé grain de beauté :

A comme asymétrie,

B comme bords irréguliers,

C comme couleur non homogène,

D comme diamètre,

E comme évolution.

Si l’un de ces indices bouge dans le temps, il faut consulter. « Cette règle devrait être maîtrisée par le plus grand nombre. L’étude fait ressortir que seules 11 % des femmes agricultrices la connaissent et moins de 6 % des agriculteurs en ont entendu parler » confirme Mathieu Longet. Les agriculteurs doivent prendre conscience que le risque solaire est majeur pour eux et leurs enfants. Dans sa thèse, Mathieu Longet met en avant le lien existant entre les personnes sensibilisées aux risques solaires et le meilleur suivi médical qui en découle. Dès lors, il s’agit de mener des campagnes de prévention sur tout le territoire mais aussi de faire s’emparer de cet enjeu les élus ruraux pour voir ériger dans les projets des constructions d’ombrage. « Les pistes d’amélioration de la prise de conscience et de l’adaptation des agriculteurs aux risques solaires pourraient aussi passer par la reconnaissance du cancer de la peau comme maladie professionnelle » explique le docteur Longet.

C’est le propos de Jean Wolfarth, docteur en médecine générale et directeur de thèse de Mathieu Longet, pour qualifier le travail du doctorant. Au total, 10 000 questionnaires ont été envoyés à des ressortissants du régime agricole sur l’ensemble de la Franche-Comté. Le taux de retour est de 24 %, les données scientifiques renseignées sont donc solides. (On est plutôt sur un taux de retour de 20 % pour ce type de questionnaire en dehors du secteur agricole). Le département le plus représenté dans l’étude est le Doubs avec 42,8 % des participants, puis le Jura à 28,1 %, ensuite vient la Haute-Saône à 24 % et enfin le Territoire de Belfort avec 2,5 %. Le ratio hommes-femmes est de trois pour une. Interrogée sur leur phototype cutané, sur l’utilisation de protection contre le soleil (chapeau, lunettes, crème solaire), sur la fréquence de consultation chez le dermatologue, la population agricole manque d’informations et n’utilise pas assez les protections. « Les agriculteurs ne sont pas fans de crème solaire. Ils reconnaissent un désintérêt pour le sujet, s’intéressent peu ou pas aux index UV pourtant renseignés par la météo qu’ils consultent régulièrement. Quand on les interroge sur leurs craintes vis-à-vis du soleil, ils répondent d’abord le coup de soleil puis la déshydratation et en dernier lieu le cancer. Une faible proportion des agriculteurs a bénéficié d’un examen médical de la peau. 61,5 % n’ont jamais été examinés par un dermatologue et 63,5 % ne l’ont jamais été par leur médecin généraliste ».