Viti et éco-pastoralisme
Tout valoriser

Chloé Monget
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Depuis le 1er mai 2021, Camille Rouchon a monté sa microentreprise d’écopâturage. Aujourd’hui, elle entame une nouvelle ère avec les contrats de viti-pastoralisme.

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Loïc Caïlbourdin et Camille Rouchon dans une des parcelles du Domaine Caïlbourdin.

« Je me suis installée sans aucune terre. De ce fait, je devais trouver des solutions pour faire pâturer mes animaux » entame Camille Rouchon, ancienne ingénieure en agroalimentaire, installée à Bitry depuis le 1er mai 2021. Si elle débute avec une dizaine de moutons, la signature de contrats successifs lui a permis d’élargir son cheptel à 91 moutons.

En 2021, Camille n’a qu’un seul contrat : MTA Cosne (transport et logistique). « Je me suis lancée dans les brebis par passion. Au départ je n’avais que 12 moutons mais cela était largement suffisant pour honorer le contrat et aussi car je travaillais encore à temps plein simultanément ». Puis, en 2022, elle passe à temps partiel pour augmenter son activité ovine : « J’ai fait du démarchage et j’ai pu récupérer 8 ha répartis sur la déchetterie de Cosne et de Saint-Quentin-sur-Nohain, MTA ou encore APRR ». En automne, elle est contactée par un agriculteur de Pougny pour de la destruction de couverts végétaux : « Si l’écopâturage donne lieu à une rémunération, ce n’est pas le cas du pâturage des couverts. Mais cela n’est pas grave tant que les animaux peuvent pâturer, d’autant plus quand, comme moi, on est dépourvu de terres ». En décembre 2022, elle entame son premier contrat dans la vigne avec le Domaine de la Rossignole – Cherrier Frères (Verdigny- 18). S’ensuivent des discussions avec Christophe Rainon, conseiller spécialisé ovin allaitant à la Chambre d’agriculture de la Nièvre (CA 58) qui la met en relation avec Alain et Loïc Caïlbourdin (Domaine Caïlbourdin à Tracy-sur-Loire - coteaux de Pouilly-Fumé).

Modification des pratiques

« Cela fait trois hivers que nous sommes passés au viti-pastoralisme pour le désherbage de nos vignes. Mais, depuis deux ans nous ne trouvions pas de berger » déplore Loïc Caïlbourdin avant d’ajouter : « Cette volonté de détruire les couverts de cette manière est dans la lignée de la conduite menée depuis le début (avec une implication encore plus forte sur la culture raisonnée depuis environ 15 ans). Pour préserver les sols et les vins, nous n’usons plus de folpel ou de cuivre. Pour la suite, nous voudrions pousser la biodynamique en usant de préparations maison. Mais, pour mettre cela en place, l’équipe sur le terrain doit être assidue et complète ; ce qui reste à trouver. Nous ne restons jamais sur nos acquis et cherchons toujours de nouvelles techniques plus respectueuses ». Pour le viti-pastoralisme, Loïc Caïlbourdin évoque des avantages : « La présence de ces nouveaux locataires est très gratifiante et agréable. De plus, le travail des moutons a un gros impact sur la régulation de l’enherbement, car il permet de repousser le premier passage de bineuse dans les rangs, et donc de préserver le sol. Bien évidemment, en fonction du type d’hiver, l’efficacité des moutons est plus ou moins durable. Pour l’exemple, cette année, même s’ils ont bien travaillé, l’herbe commence déjà à repousser (au 7 février date de l’entretien), on devra donc potentiellement faire un passage de bineuse rapidement ; mais cela ne sera pas forcément le cas tous les ans ». Pour cette année, Loïc et Camille s’accordent : « les animaux sont arrivés tard dans les vignes, on ne pourra donc pas faire les 20 ha. Mais on s’améliorera pour 2024 ! ». Pour mémoire, les herbivores peuvent être mis dans les rangs après la chute des feuilles et jusqu’à l’apparition des premiers bourgeons.

Bon à savoir

Si pour Loïc Caïlbourdin les moutons sont une bonne solution, pour Camille ce type de production à ses atouts et ses inconvénients : « Ce n’est pas un mode d’élevage qui coûte cher, mais il faut du temps. En effet, pour l’engraissement, il faut compter approximativement deux mois de plus pour un engraissement à l’herbe par rapport à celui en bâtiment – avec aliment – en fonction des races. En sus, il est nécessaire de les changer de parcelles régulièrement (pour ma part tous les quatre à huit jours selon la quantité d’herbe et de la superficie de la parcelle, avec une vérification tous les deux jours). L’écopâturage permet de valoriser des surfaces qui ne le sont d’habitude pas, mais cela reste une situation précaire pour les éleveurs car les contrats sont renouvelés, ou non, tous les ans. Pour la facturation, je demande 50 % au démarrage et ajuste le reste en fonction des hectares pâturés lorsque le contrat est fini, cela permet au vigneron de ne régler que ce qui a été fait ». Afin de garantir un peu plus ses revenus, Camille évoque une solution : « il me faudrait environ 10 ha en propriété » avant d’ajouter : « Je me suis portée candidate pour un projet agrivoltaïque de 13 ha. Cela permet d’avoir une retombée financière assurée puisque le promoteur signera une convention de trente ans. D’ailleurs, la Chambre d’agriculture encadre énormément ce type de projet en insistant sur la viabilité de l’atelier agricole qui se trouve sous les panneaux. Le promoteur, de son côté, demande uniquement une obligation de résultat pour la coupe d’herbe et l’entretien des haies bordant la centrale photovoltaïque ». Pour rappel, la Chambre d’agriculture de la Nièvre, avec le réseau « Prairies sentinelles », a entamé en 2021 une étude sur la pousse de l’herbe et les performances des animaux pâturant sous panneaux – le protocole de suivi est légèrement modifié cette année, mais l’étude se poursuit (voir TDB n°1660). Camille, qui commence actuellement le parcours à l’installation pour devenir éleveuse à temps complet, conclu : « nous ne sommes pas beaucoup à proposer ce genre de prestation, alors qu’il y a de véritables débouchés. Les seuls prérequis sont le courage et l’envie ».

IMAGE A METTRE
Les moutons de Camille sont en bâtiment uniquement pour les mises bas.

En savoir plus

Pour en savoir plus sur le viti-pastoralisme : https://www.inn-ovin.fr/wp-content/uploads/2022/11/Plaquette-VitiPasto_2021.pdf et pour la destruction des couverts : voir le dossier dédié de TDB dans le n° 1719 ou https://www.inn-ovin.fr/wp-content/uploads/2021/12/POSCIF_Fiche_technique_COUVERTS.pdf